Le printemps est là mais je ne le vois pas.

Samedi soir, pas un chat dehors, la télé regorge de propagande crasse et autres programmes abrutissants. Nous entamons notre troisième pseudo-confinement, avec assez de liberté pour laisser circuler le virus et assez de restrictions pour saper le moral de tous.

Après un long réveil et une bonne chiasse, ma femme m'adresse à peine la parole et je m'interroge sur ses motivations: j'hésite entre l'engueulade avec mon frère au dîner clandestin d'hier soir, mon humeur particulièrement exécrable depuis des mois, ou son aliénation numériquo-professionnelle.

Aujourd'hui je n'ai parlé qu'à deux personnes hors de chez moi : le boucher, qui fait toujours la gueule, et une ex-psychologue déprimée, rencontrée par hasard. Son histoire m'a parue presque caricaturale : ascendants décimés, abandonnée par ses descendants, discours défaitiste et visage déconfit. Que du bonheur. On a marché ensemble, enfin, elle m'a suivi et j'ai tenté quelques tirades de réconfort, sans trop y croire moi-même. En bon connard antipathique, je n'ai ressenti aucune compassion, rien, juste une prise de conscience de mon propre déni émotionnel. Après avoir semé “la personne”, j'ai cru trouver un coin propice au lâcher prise, dans une belle petite clairière au bout d'un chemin. C'était sans compter la présence d'une caméra de surveillance, bien camouflée dans un arbre et qui eut vite fait de réveiller mon inconfort psychologique.

Quoi d'autre ?

Le printemps est là mais je ne le vois pas.