L'estran

L'eau qui ruisselle sous les galets se masse, s'attire et se colle, le sable l'accueille et quand nos pas l'écrasent, il devient coup à coup plus gluant et plus dur que ce dont il n'a l'air d'en haut, granuleux sous le gloss aquatique. Peu après être sortis des galets – entassés en collines poussées par la marée jusque par dessus la digue qui veut les retenir, elle-même galets rendus droits et perpendiculaires et fixes comme la falaise dont il étaient sortis, et mélangés au grès par le ciment, poussière durcie parce que mouillée – les courants d'eau venus des terres forment des flaques profondes devant les premiers blocs de calcaire à cause de l'effort qu'il leur faut pour les contourner. Les jets des côtés se précipitent sur le grand plan de la plage, la creusant tout des suite dans des arborescences d'estuaires dont les courants rendent la surface du ruisseau tantôt lisse tantôt du relief de la boue imprimée par un pneu. Au fond des grains de sable continuent d'être emportées par le liquide, formant comme les flammes d'un feu et se redéposant plus loin, quand tout est plat juste avant le léchage de la mer. Les particules du sable sont saturées et font un grand miroir qui reflètent les nuages stratosphériques, qui jouent les mêmes jeux fluides et filtrent avant les algues glauques les couleurs du crépuscule, qui sont les degrés d'intensité de la lumière du crépuscule. La côte est un seuil semblable au soir, où le jour se transforme en nuit : car les ondes des vagues ne sont pas moins géologiques que l'effritement des falaises, qui étaient des animaux tombés en neige marine il y a un temps inimaginable et pétrifiant. Maintenant on peut dessiner avec les morceaux de craie les moutons blancs du vent sous le bateau à l'horizon, qui est comme un aréostat, soit un goéland. Et dans tout ça on marche avec les vélos pour rouler et les téléphones pour prendre les photos, les pieds pour marcher sur les îlots plus secs. Écrire sur la côte est-ce activer des touches ou graver la plage ? Je croyais qu'il n'y avait que la mer et la terre, l'une l'image de l'autre, et le ciel par dessus les toits, etc. Il n'y a pas besoin qu'il n'y ait que des clichés.