[À quoi ça sert]

La poésie c’est dérisoire C’est bâtard Ça dit un truc et ça dit rien On en fait tout un art

À quoi ça sert la poésie La poésie Ça sert à rien À rien À rien À rien À rien À rien À rien À rien Ça sert à rien Rien À rien À rien À rien À rien À rien À rien À rien

Un poème ça sert à cracher le dedans Ça sert à rien Ça vient Gratter le ventre vomir la bile Lâcher cracher éructer Les mots sur le papier Nommer L’acidité qui ronge Qui râle Qui roule La trouille en boule Amasse ta salive Et cache Ton papier mâché

A rien Ça sert à rien Ça jette sur scène un froid C’est sale C’est seul un poème ça pue la solitude Tout le temps Tu crois que tu partages Tu patauges Tu jettes en pâture Une mauvaise peinture Avec plein d’ingrédients nuls dedans Couleurs nulles Nuances nulles Recul nul

Nul nul nul nul Ça sert à rien

Ça arrête pas les balles Ça tord pas les couteaux Ça guérit pas grand chose

Ni le mal de crâne Ni le monde qui crève

Ça empêche pas Des mecs de claquer leur meuf Ça arrête pas l’insulte Ni l’inceste Ça ressuscite personne

Une poésie jolie En épitaphe jolie Dans un cimetière joli Sous le soleil qui luit Sur l’herbe qui fleuri Ça ressuscite personne

Y a que Lazare Qui se marre

Ça sert à rien Quand t’as faim froid Quand t’es perdu.e Elle est perdue avec toi

Alors pourquoi Pourquoi je suis là A dire ça A dire tout ça Avec des rimes qui cognent Des vers qui craquent Des mots durs et tordus Comme le rictus des mort.e.s Pourquoi ça sort A quoi ça sert

A quoi ça sert la poésie A quoi ça sert d’écrire A quoi ça sert d’être féministe A quoi ça sert de croire Juste A quoi ça sert de croire

J’y crois pas J’y crois pas J’y crois pas J’ai pas la foi De faire des poèmes dans un puits comme des pièces jetées De faire des poèmes en d’étoile filante dans un ciel noir de jais De croiser les doigts en me disant que ça va aller

J’ai pas la foi Pas le kiff Je ripe Je sais plus qui quoi comment pourquoi Alors pourquoi

Pourquoi c’est là pourquoi ça Coule de moi Tout le temps Les mots les phrases en trampoline sur la langue En toboggan dans la tête En roulade dans l’oreille En glissade sur la page

Ça soulage Ça sonne juste Ça résonne Emprisonne les sons Les transforme En petits carillons

Ça réveille Ça indigne Ça indique L’incendie des coeurs brûlés L’affliction des coeurs brisés ça aide Les coeurs cassés A se recarcasser

Ça chante Ça crie C’est tranchant et léger Ça met du sens De la sensibilité Quand le monde part en fumée En fumisterie En délire complet

Ça cueille l’oreille Arrose la peau Là où ça brûlait

Ça partage Ça fomente des passages Secrets ça se glisse dans un carnet Sur une note de téléphone Dans le bus entre deux arrêts

Ça glisse tout seul le long du poignet Ça se faufile prêt ou pas prêt

A quoi ça sert la poésie La poésie c’est dérisoire Mais pour moi c’est la seule manière D’attraper le réel Le sortir de son trou noir De lui dire Avec un poème D’aller gentiment se faire voir