[Lever son verre à l'aube]
<< Et l'orage gronde/On a le dos courbé par les trombes d'eau qui tombent/Si tu nous croises dans la nuit/Barre-toi/On a des tatouages invisibles toi tu les vois aussi >>, Aloïse Sauvage, “L'orage”
Je veux un coucher de soleil Je veux le crépuscule des dieux La fin d'un monde Qui marche d'un pas lourd sur des visages qui crient Depuis longtemps
Je veux la fin D'une histoire racontée toujours par les mêmes La mémoire tranchée Pour effacer Les figures de l'ombre Qui ont pourtant toujours été là
Je veux la fin De cette histoire-là Qui oublie délibérément mon Identité Ma Sexualité Qui me force à baisser les yeux quand je suis seule face au miroir Qui fait couler dans mes veines L'anonymat En même temps que mon sang
Je veux La fin de cette histoire-là Je veux la nuit
Une nuit de fête D'explosions De confettis De jouissances De feux d'artifice De rires en cascade De jus de fruits ou d'alcool Une nuit qui pétille Où les langues se délient Dans le délire Le désir Le délice De refaire le monde
Une nuit dans l'herbe à la belle étoile Ou sous la pluie lourde d'un orage Qui attend Depuis longtemps De crever De jouer sa musique sur les pavés D'abreuver La terre qui se gorge d'eau Qui se fait ruisseau rivière fleuve Charriant les douleurs et les fièvres Les méfaits et les crimes La conscience tranquille De celleux qui s'en lavent les mains
Des trombes d'eau arrosant La colère puissante Qui pousse au ventre Des blessé·e·s Qui lèvent leur verre Trinquent À l'orage qui gronde À la honte Qui change de camp Trinquent À l'aube qui vient Éclairer les regards – mieux vaut tard que jamais -
Nous nous tenons debout Les mains serrées Un pied posé Dans la nuit L'autre Dans la flaque du jour Nos ombres en peintures de guerre sur les joues L'irrévérence dans les yeux Et au coin de la langue
Je veux Un matin qui chante un soleil qui brille pour nous aussi Je veux Un matin qui nous regarde dans les yeux Qui nous reconnaisse Et nous demande Pardon
Je veux Un matin sans gueule de bois ni retour de bâton Le cœur brûlant À serrer la main De tou·te·s celleux nourris par la nuit Et qui ont tant à apprendre À celleux qui jusque-là pensaient Que le jour Leur appartenait