L'humain au centre ? Essai sur quelques points de considérations
J'observe avec inquiétude des occurrences en augmentation de l'emploi du « (re)mettre l'humain au centre » dans des communautés de pratiques dont j'apprécie le niveau élevé de maturité politique des individus.
Essayons de fournir en effort mérité sur cette mécanique agissante et ce vœu formulé.
Définissons ce que nous exprimons
Tropisme (du grec τρόπος) signifie la tendance à accroître, un organisme ou une connaissance, dans une direction donnée.
La force de répétition d'un vœu formulé produit des effets, du moins celles et ceux qui poussent cette répétition pédagogique espèrent des résultats.
Que se passe t'il alors lorsque l'objet lui-même de la proposition est mal ou pas défini ? Il est alors martelé un concept mal forgé et l'on risque d'abîmer la matière, l'outil, la technique et même le corps qui travail.
S'efforcer de vouloir placer un « humain » dans un « centre » sans pendre a minima la peine de définir l'humain est dans les origines des risques que s'infligent les communautés de pratiques qui invoquent cela.
« Qu'est ce que l'humain ? », d'autres avant nous se sont attaché⋅e⋅s aux enquêtes et réponses à cette question fondamentale. J'ai essayé d'améliorer ma compréhension de celles-ci au travers de 4 exercices sur textes d'éminents spécialistes en biologie, en paléoanthropologie et en philosophie. En plus des réponses envisagées à la réponse à la problématique de définition, nous apprenons aussi que l'humain n'est absolument pas au centre de quoi que ce soit, du moins en biologie, en paléoanthropologie et en philosophie. Mieux encore, lors des velléités d'investigation de la question de l'humain, il faut décentrer l'humain de la loupe utilisée pour espérer le définir.
S'évertuer à invoquer un placement de l'humain dans un centre, quelle que soit cette centralité, avec un humain peu ou mal envisagé et prou compris nous mène avec grande probabilité dans une direction que fera croitre de nombreux maux. La répétition mécanique de mots impensés nous fait marcher vers une croissance inconsidérée.
Politisons sérieusement ce que nous désirons faire
Dans une loupe composée de biologie, de féminisme, de cyberféminisme, et les questions d'aliénation, nous pouvons également regarder avec grande intentions de « Anthropocene, Capitalocene, Plantationocene, Chthulucene: Making Kin » par Donna J. Haraway.
Là encore, dans le champ des Environmental Humanities, l'humain n'est pas au centre et ne semble pas devoir y venir pour résoudre des défis écologiques, politiques, qu'ils soient responsabilisés et individués ou collectivisés.
Que nous reste t'il ainsi du vœu d'un « humain au centre » ?
Une invocation répétée qui exprime un désir sur un besoin − qui eux préexistent à cette invocation. Quand bien intentionné⋅e⋅s nous aurions pris l'effort de définir, un tant soit peu, cet humain, il nous incombe de mieux dire et décrire au centre de quoi nous voulons le placer et de quoi est fait cette centralité.
Nous pourrions envisager que ce phénomène, celui de placer au centre et donc de construire ce centre, se lie assez aisément dans une tentative d'établir un « ensemble d'attributs essentiels nécessaires à l'identité et à la fonction » (Wikipedia) de ce centre. Autrement dit, il pourrait s'agir d'un construit d'une essentialisation d'une centralité dans laquelle est espéré la placement d'un humain. C'est d'ailleurs l'essence de ce centre composé par un imaginaire, plus ou moins politisé, qui porte une attraction sur cet humain invoqué. C'est pour cela que des personnes voudraient l'y placer.
Matérialisme, libre arbitre, différentialisme et d'autres coutures pour nous lier au monde mériteraient d'être un peu
En répétant « placer l'humain au centre » nous imprimons au fer rouge des rapports au monde. Ce marquage est effectif quel que soit le degré de considération appliqué au courant que nous empruntons.
Gageons et pendons langue
Disons avec sincérité que le vœu d'un « humain au centre » est employé tel un gage d'amélioration de conditions.
C'est d'ailleurs cette promesse que les chantres de la start-up nation promulguent au rang de devise sur fronton d'institution. Ils expriment un rapport au monde en jouant de la flûte de Hamelin. Cet « humain », qui ne se résume qu'à son essence de chaire à larbin, est alors enfermé dans ce monde infernal sans espoir, ni imaginaire, de s'en libérer par émancipation. Et toute critique portée sur cette effectuation se verra tabassée par une salve de riposte en invoquant le crime qu'est l'acte de refuser cette bienveillance.
Certes, nous pouvons aussi considérer que d'abandonner le concept « de l'humain au centre » à la start-up nation serait tout aussi idiot et dommageable que de leur offrir l'exclusivité de terme « liberté ». Oui, il y a des mots pour exprimer des concepts que sont utilisés avec des sens différents dans des communautés de pratiques différenciées.
Nous l'avons vu précédemment, mettre « l'humain au centre » comporte quelques angulosités saillantes, souvent peu ou pas abordées. Nous venons ajouter à cela le pari (risqué serait un euphémisme) de partager l'emprunt, avec dette de langage et lieu commun, de ce concept de « l'humain au centre » avec les personnes qui détruisent la planète et les humains.
N'avons-nous pas assez de fer pour forger de nouveaux concepts via des mots déjà existants ou nouveau à écrire afin de nous articuler au monde ? Ou pour décrire les situations et conditions et d'un monde que nous désirons ? Si oui, alors faisons cela et réalisons cela avec soin et précaution. Si non, gageons que nous serons vigilant⋅e⋅s nous éviter un contrat faustien avec ceux qui nous exploitent telles des matières premières à extraire de leurs environnements.
Il est dans notre devoir d'êtres humains de défendre des libertés et d'en ouvrir d'autres. Pend ce temps, des personnes s'ingénient à nous perdre dans des débats faussé, ne nous faisant que la charité que d'un os médiatisé à ronger.
On ne dit pas *application de tracing**, nous disons violation de droits fondamentaux et privation de liberté
Les ingérant⋅e⋅s disent l’humain au centre des réunions − configuration sociale particulière − qui alimentent ces bruissements qui agissent tels des divertissements, de détournements de nos attentions, de considérations de fonds et de formes. Ils le disent aussi pour leur application, leur projet, leur politique. Bref, d'un humain au centre de sa propre exploitation assujettie et asservie, dans un monde qui leur appartient. Nous privant ainsi, dans cette centralité, des possibilités d'appartenance à un ou des mondes autres et différents. Privatisant et dépolitisant le rapport au monde.