Je devais vous parler du casque (moto).

Dans un post précédent (https://write.tedomum.net/mollo/a-propos-de-lapprehension-de-la-vitesse-ados-scoots-motos-et-vous-aussi) je vous parlais de notre difficulté d’humains à appréhender la vitesse et j’indiquais que les normes d'homologation des casques motos en Europe étaient calibrées pour un impact direct à 27 km/h maximum. Ça semble très peu, je vais tenter de vous expliquer pourquoi, et de vous donner quelques informations complémentaires.

Pour rester dans l’ambiance de la classe d’école décrite dans le billet précédent, on pose aussi cette question aux gamins : « À quelle vitesse maximum un casque vous protège-t-il d'un choc direct ? »

Les réponses les plus fréquentes, presque dans l’ordre : « 90 ! », « 100 ! », « 130 ! », « 200 ! »« 300 ! »

Étrangement, on assiste une enchère à la hausse dans les réponses et ceusses qui pensaient dire à « 50 km/h » ont bien du mal à se faire entendre quand iels ne sont pas la cible de moqueries de la part de leurs camarades.

Alors, à quoi peut bien servir un casque ? Après tout il n’est devenu obligatoire (hors agglomération) que depuis 1976 pour les usagers de mobylettes et trois ans avant pour les motards (motocyclettes).

Voyez si vous voulez cette fresque historique : http://www.ac-grenoble.fr/savoie/pedagogie/docs_pedas/securite_routiere/dates_cles.pdf

Les contextes des accidents dont sont victimes les motards privilégient les blessures à la tête, contrairement aux cyclistes où ce sont leurs membres antérieurs et inférieurs qui morflent beaucoup plus que leur boite crânienne. Portez quand même un casque à vélo, on ne sait jamais !

Si vous considérez un accident depuis votre place de conducteur.trice d’une boite à roues (aka bagnole), il vous sera précieux que les circonstances vous maintiennent dans ladite boîte surtout depuis que vous êtes bardé·e·s d’Airbag et autres dispositifs de protection active. Il y a eu des tentatives de la part d’Honda de maintenir le motard sur sa moto avec le renfort de coussins gonflables, finalement abandonnées, en fait il vaut mieux pour eux voler en l’air et vaille que vaille une fois dans l’herbe ou sur le bitume, glisser et ralentir et l’issue est généralement meilleure qu’une situation qui se rapproche d’un automobiliste sans ceinture.

Notons aussi cette initiative très réussie de BMW avec son scooter C1 muni d’un toit et dont l’homologation dispensait le conducteur de porter un casque. Renault a tenté une aventure identique mais sous sa véranda il fallait en porter un. https://moto-station.com/scooter-station/essai/renault-125-fulltime

(Ping les talents du lobbying automobile teuton.)

Revenons au sujet ! Motards, disons que vous allez vous planter dans un accident. Dans la plupart des cas vous allez voler un peu, puis vous retrouver à glisser au sol si la chance vous a « épargnée » d’un choc direct avec une pile de pont ou une bordure de trottoir. L’absence d’obstacles sur les circuits de compétition fait que l’on n’y dénombre que très peu de morts.

Dans toutes ces situations fâcheuses nos corps peuvent subir grosso-modo deux types de blessures : des fractures, auxquelles on pense le plus souvent mais aussi des brûlures. Ces dernières sont souvent très difficiles voire impossibles à cicatriser et elles laissent des stigmates toute la vie.

Les fractures de type « Je me suis cassé le tibia au ski » sont généralement très faciles à guérir, on dit que la cicatrisation autour du siège de la brisure rend l’os encore plus costaud. Pour les articulations et la colonne vertébrale c’est beaucoup moins vrai.

Les fonctions de protection d’un casque sont donc d’ :

Mais également :

On ne parlera pas ici des deux points précédents.

Revenons à la fonction d’atténuation d’un choc, et prenons l’exemple d’un casque de chantier. Il est conçu pour protéger des impacts sur la boite crânienne d’objets qui chuteraient, par exemple un marteau ou une petite brique. La rigidité de sa coque va répartir l’énergie de l’impact sur la totalité du crâne via les lanières internes. Mais l’absorption de l’énergie sera dévolue à l’élasticité des vertèbres cervicales, c’est toujours mieux que l’impact initial sur 1cm carré de l’os du crâne qui lui n’est pas du tout élastique.

Ici on parle donc d’un objet d’environ 1kg qui tombe à environ 50km/h (chute libre depuis un troisième étage).

Mais dans le cas d’un accident moto on parle de toi, un « objet » de 75kg qui ira frapper un obstacle à la vitesse que l’on espère la plus faible possible.

L’énergie cinétique est en jeu dans ces deux situations, mais pas dans les mêmes proportions.

https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/6ae28be3edf3b1adce751c9e317ba60db13bbdae

On trouve chez les élèves deux biais qu’ils imaginent comme moyen de protéger sa tête :

Qui-y-a-t-il de différent dans le cas d’un casque moto ?

On ne peut pas compter sur les cervicales pour absorber l’énergie de l’impact d’un choc dans une situation d’accident à moto (même avec un casque de chantier), à 30 km/h celles-ci seraient détruites.

On retrouve donc sur un casque moto une coque rigide qui a pour rôle principal de répartir la surface sur laquelle va se dissiper l’énergie du choc. Puis une couche de mousse polyuréthane s’y trouve ensuite, et une grande partie de l’énergie y sera dissipée dans sa compression destructive. Après un choc significatif la compression de la mousse est irréversible, l’intégrité de la coque et de la mousse ne sont plus garanties sans que ce soit extérieurement visible, aussi il ne faut jamais utiliser, acheter ou revendre un casque d’occasion. Offrez-le plutôt aux services de secours qui malheureusement s’entraînent à ôter un casque à un accidenté sur des équipements anciens et ils ont besoin de connaître les techniques en service : joues amovibles, divers systèmes de lanières de fixation, systèmes d’ouverture des modulables, etc.

Vous pouvez expérimenter cet effet d’absorption d’énergie dans votre arrière-cour, placez une plaque de verre au sol sur le bitume et frappez-la avec votre pied, elle va se rompre. Maintenant superposez une plaque de polystyrène et infligez-lui le même geste, il est très probable que la plaque de verre demeurera intacte.

Si vous testez ces deux situations (avec et sans couche de poly) avec un pic à glace plutôt qu’avec votre pied vous ne constaterez pas de différence, la vitre sera brisée, la répartition en surface de l’énergie du choc est donc primordiale.

Alors pourquoi cette limite de 27 km/h ?

L’épaisseur de mousse polyuréthane dans un casque est d’environ de 3 cm. Souvent elle varie selon les zones et les fabricants utilisent selon les endroits des densités différentes.

Lors d’un choc direct à plus de 27 km/h, elle va jouer son rôle d’absorption de l’énergie, mais elle restituera à la boite crânienne une décélération encore assez forte pour léser les structures du cerveau, en provoquant une élongation délétère des dendrites, soit une lésion bien au-delà du traumatisme crânien.

Encore une fois, le casque sauve d’une grande majorité des accidents quand un choc à la tête est convoqué, parce que la vitesse d’impact avec les obstacles aura diminué pendant une phase de préalable de freinage ou de glissade.

Les gosses peuvent souvent réagir en disant « Ben 27 km/h c’est pas très vite, autant ne pas porter de casque ! ». Dans ce cas on peut préciser que 30 km/h c’est la vitesse d’atterrissage au sol si on se jette du premier étage (3.5m). Dans cette situation leur choix entre tête nue ou avec un casque il est vite répondu.

Comment on mesure tout ça ?

En laboratoire et pas avec des cascadeurs bien heureusement.

Grosso modo l’équipement consiste en une simili tête de motard en acier munie de capteurs sur laquelle on enfile le casque. Une enclume extérieure descend à la vitesse maxi de 27 km/h sur le casque, on connaît ici l’énergie communiquée par l’enclume au casque, les capteurs de la « tête » mesurent l’énergie résiduelle qu’ils subissent, et au-delà d’une certaine valeur on considère que les structures internes du cerveau sont endommagées.

Bien sûr on choque le casque à différents endroits, sommet, côtés, mâchoire.

Ne pourrait-on pas imaginer un casque qui protège contre des chocs directs à 50 km/h plutôt qu’à 27 km/h ?

Pourquoi pas ! Mais l’énergie est fonction carrée de la vitesse, or si on double la vitesse, on doit quadrupler l’épaisseur de mousse pour absorber l’énergie résultante et celle-ci attendrait 12cm, je vous laisse imaginer le confort, l’angle de vision et le poids qui pèserait sur les cervicales.

Quelques autres détails.

Vous portez un casque mais vous ne le portez pas !

Dans le rapport du Préfet Guyot, Gisement de sécurité routière : les deux-roues motorisés (2008), on trouve beaucoup de choses, souvent intéressantes et parfois très insolites.

Rapport disponible ici : http://isidoredd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/dri/PREDIT0109.pdf Et son analyse par la FFMC : https://ffmc.asso.fr/IMG/pdf/analyse_Rapport_Guyot.pdf

Parmi ces mesures insolites, par exemple l’installation d’une plaque d’immatriculation à l’avant des motos ou la publication d’un chiffre sur le taux de port du casque sur autoroute : 92 %.

Ce chiffre est insensé à première vue, avez-vous vu seulement deux motards de toute votre vie, sans casque sur l’autoroute (en France) ?

Nos législateurs ne se sont pas pris la tête à déterminer toutes les situations, ils considèrent que vous portez un casque si vous en avez un sur la tète et qu’en plus :

Autrement dit nos 8 % de motards sans casque ce sont ceux qui soit ne portaient effectivement pas de casque, soit ne remplissaient pas l’une des conditions précédentes.

On doit le changer tous les 5 ans maximums ?

C’était plutôt conseillé il y a plus de 30 ans quand les coques étaient en fibre de verre (type kayak) qui perdait à cause du rayonnement UV sa rigidité, idem pour la mousse alors en polystyrène basique type caisses à poissons. Aujourd’hui les matériaux sont très évolués et ne subissent plus les outrages du temps et de l’environnement.

On change plutôt son casque :

Peut-on repeindre son casque ou y mettre des autocollants ?

EOT