Tonton Mollo

Dans un post précédent (https://write.tedomum.net/mollo/a-propos-de-lapprehension-de-la-vitesse-ados-scoots-motos-et-vous-aussi) je vous parlais de notre difficulté d’humains à appréhender la vitesse et j’indiquais que les normes d'homologation des casques motos en Europe étaient calibrées pour un impact direct à 27 km/h maximum. Ça semble très peu, je vais tenter de vous expliquer pourquoi, et de vous donner quelques informations complémentaires.

Pour rester dans l’ambiance de la classe d’école décrite dans le billet précédent, on pose aussi cette question aux gamins : « À quelle vitesse maximum un casque vous protège-t-il d'un choc direct ? »

Les réponses les plus fréquentes, presque dans l’ordre : « 90 ! », « 100 ! », « 130 ! », « 200 ! »« 300 ! »

Étrangement, on assiste une enchère à la hausse dans les réponses et ceusses qui pensaient dire à « 50 km/h » ont bien du mal à se faire entendre quand iels ne sont pas la cible de moqueries de la part de leurs camarades.

Alors, à quoi peut bien servir un casque ? Après tout il n’est devenu obligatoire (hors agglomération) que depuis 1976 pour les usagers de mobylettes et trois ans avant pour les motards (motocyclettes).

Voyez si vous voulez cette fresque historique : http://www.ac-grenoble.fr/savoie/pedagogie/docs_pedas/securite_routiere/dates_cles.pdf

Les contextes des accidents dont sont victimes les motards privilégient les blessures à la tête, contrairement aux cyclistes où ce sont leurs membres antérieurs et inférieurs qui morflent beaucoup plus que leur boite crânienne. Portez quand même un casque à vélo, on ne sait jamais !

Si vous considérez un accident depuis votre place de conducteur.trice d’une boite à roues (aka bagnole), il vous sera précieux que les circonstances vous maintiennent dans ladite boîte surtout depuis que vous êtes bardé·e·s d’Airbag et autres dispositifs de protection active. Il y a eu des tentatives de la part d’Honda de maintenir le motard sur sa moto avec le renfort de coussins gonflables, finalement abandonnées, en fait il vaut mieux pour eux voler en l’air et vaille que vaille une fois dans l’herbe ou sur le bitume, glisser et ralentir et l’issue est généralement meilleure qu’une situation qui se rapproche d’un automobiliste sans ceinture.

Notons aussi cette initiative très réussie de BMW avec son scooter C1 muni d’un toit et dont l’homologation dispensait le conducteur de porter un casque. Renault a tenté une aventure identique mais sous sa véranda il fallait en porter un. https://moto-station.com/scooter-station/essai/renault-125-fulltime

(Ping les talents du lobbying automobile teuton.)

Revenons au sujet ! Motards, disons que vous allez vous planter dans un accident. Dans la plupart des cas vous allez voler un peu, puis vous retrouver à glisser au sol si la chance vous a « épargnée » d’un choc direct avec une pile de pont ou une bordure de trottoir. L’absence d’obstacles sur les circuits de compétition fait que l’on n’y dénombre que très peu de morts.

Dans toutes ces situations fâcheuses nos corps peuvent subir grosso-modo deux types de blessures : des fractures, auxquelles on pense le plus souvent mais aussi des brûlures. Ces dernières sont souvent très difficiles voire impossibles à cicatriser et elles laissent des stigmates toute la vie.

Les fractures de type « Je me suis cassé le tibia au ski » sont généralement très faciles à guérir, on dit que la cicatrisation autour du siège de la brisure rend l’os encore plus costaud. Pour les articulations et la colonne vertébrale c’est beaucoup moins vrai.

Les fonctions de protection d’un casque sont donc d’ :

  • Atténuer l’impact d’un choc (effet possiblement délétère sur la cohérence des tissus du cerveau)
  • Être suffisamment glissant pour générer le minimum de torsions sur les vertèbres cervicales en cas de glissade. Ce sera aux vêtements de s’opposer à la glissade en assurant un « freinage ». Le cuir reste de loin un matériau in-surpassé.

Mais également :

  • De protéger du froid. (S’il fait 0C° et que vous roulez à 90 km/h, la température ressentie par vos oreilles sera de -17C°, elles risquent donc de geler.)
  • De vous éviter d’avoir des moucherons collés aux dents, c’est certes très nourrissant mais hautement inesthétique. Ou pire : un dard dans l’œil. Une guêpe de 0.5g qui choque votre rétine à 50km/h ça fait plus que très mal.

On ne parlera pas ici des deux points précédents.

Revenons à la fonction d’atténuation d’un choc, et prenons l’exemple d’un casque de chantier. Il est conçu pour protéger des impacts sur la boite crânienne d’objets qui chuteraient, par exemple un marteau ou une petite brique. La rigidité de sa coque va répartir l’énergie de l’impact sur la totalité du crâne via les lanières internes. Mais l’absorption de l’énergie sera dévolue à l’élasticité des vertèbres cervicales, c’est toujours mieux que l’impact initial sur 1cm carré de l’os du crâne qui lui n’est pas du tout élastique.

Ici on parle donc d’un objet d’environ 1kg qui tombe à environ 50km/h (chute libre depuis un troisième étage).

Mais dans le cas d’un accident moto on parle de toi, un « objet » de 75kg qui ira frapper un obstacle à la vitesse que l’on espère la plus faible possible.

L’énergie cinétique est en jeu dans ces deux situations, mais pas dans les mêmes proportions.

https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/6ae28be3edf3b1adce751c9e317ba60db13bbdae

On trouve chez les élèves deux biais qu’ils imaginent comme moyen de protéger sa tête :

  • Un édredon : C’est vrai c’est tout doux, mais sa capacité d’absorption énergétique est quasi nulle. Demandez-vous si une doudoune va vous préserver de lésions de la colonne vertébrale au ski par exemple.

  • Un casque épais en acier : Prenez un boulet de canon au centre creux, ouvrez-le, placez dans la cavité un melon ou une petite pastèque, ressoudez-le. Puis lâchez-le du 5ᵉ étage, le boulet sera intact après avoir frappé le sol, mais il aura communiqué à l’objet à l’intérieur une décélération identique à celle qu’aurait subit l’objet s’il avait directement frappé le sol. (NB : Séparés, un boulet et une pastèque tombent à la même vitesse. En tout cas depuis Galilée.)

Qui-y-a-t-il de différent dans le cas d’un casque moto ?

On ne peut pas compter sur les cervicales pour absorber l’énergie de l’impact d’un choc dans une situation d’accident à moto (même avec un casque de chantier), à 30 km/h celles-ci seraient détruites.

On retrouve donc sur un casque moto une coque rigide qui a pour rôle principal de répartir la surface sur laquelle va se dissiper l’énergie du choc. Puis une couche de mousse polyuréthane s’y trouve ensuite, et une grande partie de l’énergie y sera dissipée dans sa compression destructive. Après un choc significatif la compression de la mousse est irréversible, l’intégrité de la coque et de la mousse ne sont plus garanties sans que ce soit extérieurement visible, aussi il ne faut jamais utiliser, acheter ou revendre un casque d’occasion. Offrez-le plutôt aux services de secours qui malheureusement s’entraînent à ôter un casque à un accidenté sur des équipements anciens et ils ont besoin de connaître les techniques en service : joues amovibles, divers systèmes de lanières de fixation, systèmes d’ouverture des modulables, etc.

Vous pouvez expérimenter cet effet d’absorption d’énergie dans votre arrière-cour, placez une plaque de verre au sol sur le bitume et frappez-la avec votre pied, elle va se rompre. Maintenant superposez une plaque de polystyrène et infligez-lui le même geste, il est très probable que la plaque de verre demeurera intacte.

Si vous testez ces deux situations (avec et sans couche de poly) avec un pic à glace plutôt qu’avec votre pied vous ne constaterez pas de différence, la vitre sera brisée, la répartition en surface de l’énergie du choc est donc primordiale.

Alors pourquoi cette limite de 27 km/h ?

L’épaisseur de mousse polyuréthane dans un casque est d’environ de 3 cm. Souvent elle varie selon les zones et les fabricants utilisent selon les endroits des densités différentes.

Lors d’un choc direct à plus de 27 km/h, elle va jouer son rôle d’absorption de l’énergie, mais elle restituera à la boite crânienne une décélération encore assez forte pour léser les structures du cerveau, en provoquant une élongation délétère des dendrites, soit une lésion bien au-delà du traumatisme crânien.

Encore une fois, le casque sauve d’une grande majorité des accidents quand un choc à la tête est convoqué, parce que la vitesse d’impact avec les obstacles aura diminué pendant une phase de préalable de freinage ou de glissade.

Les gosses peuvent souvent réagir en disant « Ben 27 km/h c’est pas très vite, autant ne pas porter de casque ! ». Dans ce cas on peut préciser que 30 km/h c’est la vitesse d’atterrissage au sol si on se jette du premier étage (3.5m). Dans cette situation leur choix entre tête nue ou avec un casque il est vite répondu.

Comment on mesure tout ça ?

En laboratoire et pas avec des cascadeurs bien heureusement.

Grosso modo l’équipement consiste en une simili tête de motard en acier munie de capteurs sur laquelle on enfile le casque. Une enclume extérieure descend à la vitesse maxi de 27 km/h sur le casque, on connaît ici l’énergie communiquée par l’enclume au casque, les capteurs de la « tête » mesurent l’énergie résiduelle qu’ils subissent, et au-delà d’une certaine valeur on considère que les structures internes du cerveau sont endommagées.

Bien sûr on choque le casque à différents endroits, sommet, côtés, mâchoire.

Ne pourrait-on pas imaginer un casque qui protège contre des chocs directs à 50 km/h plutôt qu’à 27 km/h ?

Pourquoi pas ! Mais l’énergie est fonction carrée de la vitesse, or si on double la vitesse, on doit quadrupler l’épaisseur de mousse pour absorber l’énergie résultante et celle-ci attendrait 12cm, je vous laisse imaginer le confort, l’angle de vision et le poids qui pèserait sur les cervicales.

Quelques autres détails.

Vous portez un casque mais vous ne le portez pas !

Dans le rapport du Préfet Guyot, Gisement de sécurité routière : les deux-roues motorisés (2008), on trouve beaucoup de choses, souvent intéressantes et parfois très insolites.

Rapport disponible ici : http://isidoredd.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/dri/PREDIT0109.pdf Et son analyse par la FFMC : https://ffmc.asso.fr/IMG/pdf/analyse_Rapport_Guyot.pdf

Parmi ces mesures insolites, par exemple l’installation d’une plaque d’immatriculation à l’avant des motos ou la publication d’un chiffre sur le taux de port du casque sur autoroute : 92 %.

Ce chiffre est insensé à première vue, avez-vous vu seulement deux motards de toute votre vie, sans casque sur l’autoroute (en France) ?

Nos législateurs ne se sont pas pris la tête à déterminer toutes les situations, ils considèrent que vous portez un casque si vous en avez un sur la tète et qu’en plus :

  • Il est homologué.
  • La jugulaire est correctement ajustée.
  • Il comporte 4 auto-collants auto-réfléchissants. C’est parait-il pour retrouver de nuit un motard accidenté au fond d’un ravin. Sachez qu’ils ne doivent pas forcément être blancs, ce qui pourrait nuire à l’esthétique de la peinture spéciale que vous avez choisie pour la modique somme de 400€ chez le fabricant. Il en existe des noirs.
  • Il doit être utilisé selon son type, c’est le cas des casques modulables dont la mentonnière s’ouvre sur le haut de la tête, certains sont homologués pour « rouler ouverts » d’autres non.

Autrement dit nos 8 % de motards sans casque ce sont ceux qui soit ne portaient effectivement pas de casque, soit ne remplissaient pas l’une des conditions précédentes.

On doit le changer tous les 5 ans maximums ?

C’était plutôt conseillé il y a plus de 30 ans quand les coques étaient en fibre de verre (type kayak) qui perdait à cause du rayonnement UV sa rigidité, idem pour la mousse alors en polystyrène basique type caisses à poissons. Aujourd’hui les matériaux sont très évolués et ne subissent plus les outrages du temps et de l’environnement.

On change plutôt son casque :

  • Après un accident.
  • Quand il devient inconfortable, les mousses de confort interne sont tassées, la visière est rayée et on ne peut plus la remplacer, etc
  • Ou comme tout drogué à la consommation qui veut son shot de nouveau modèle.

Peut-on repeindre son casque ou y mettre des autocollants ?

  • Pour la peinture c’est déconseillé, elle risque d’attaquer la structure de la coque et lui faire perdre sa rigidité. Mais aujourd’hui on trouve une majorité de peintures sans solvants, si vous tenez absolument à arborer un portrait de Johnny avec un camion et des loups en arrière plan, adressez-vous à un professionnel.

  • Les autocollants sont à proscrire, ils vont altérer la capacité de la surface de la coque à glisser et accentuer les éventuelles contraintes de torsion sur les cervicales. Leurs colles peuvent aussi altérer localement la rigidité de la coque.

EOT

À propos de l'appréhension de la vitesse, Ados, Scoots/Motos et vous aussi.

Vous connaissez la question des collégiens quand on les approche en bécane : « À combien elle roule, M’sieur ? »

Leur rêve de s’éprouver, de tester leurs limites, de se procurer des sensations fortes et de frimer est bien légitime.

Reste qu’un casque moto dûment homologué ne protège que d’un impact direct à 27 km/h. (Je vous expliquerai pourquoi si vous voulez.)

Reste que ces petits bouts admettent parfaitement que l’on naît sans pouvoir marcher et qu’il faut environ 6 ans à un enfant pour maîtriser toutes les situations de déambulation, mais qu’avec un papier rose et 7 heures de formation c’est open bar pour faire vroum ! Quand bien même on leur aura aussi fait calculer qu’en classe de troisième ils auront suivi plus d’un millier d’heures de maths ou de français.

Alors si vous avez des ados qui ont des abeilles pour s’encanailler de la poignée et qui rigolent quand on leur dit vainement « ne roule pas trop vite ! », voici une modeste contribution.

Partons du postulat que leur dire « si tu roules plus vite que 50 km/h en ville tu vas avoir une contravention ! » c’est aussi efficace que le violon pour se protéger de la pluie de grenouilles.

Nous intervenons bénévolement avec la FFMC dans les collèges et les lycées, nous avons reçu une formation d’environ 30 heures pour ça au sein de notre mouvement et nous avons obtenu un agrément du ministère de l’éducation nationale renouvelé depuis 2012. Ce n’est peut-être pas utile de le préciser mais notre « protocole » nous impose d’intervenir à deux et le plus souvent leur prof n’est pas avec nous sur ce type d’interventions. Ça peut expliquer le comportement très volontaire des gamins…

Bien souvent des classes SECPA ou celles qui nous avaient été présentées ayant des réputations de « voyous » au sein du collège se sont montrées les plus participatives et mutu-enrichissantes, alors qu’à l’inverse les « dociles » vu·e·s de l’administration auront été de plus piètres participant·e·s.

Comment nous y prenons-nous, entre autres, pour essayer de faire appréhender la vitesse à ces gosses ?

C’est bien plus compliqué que de leur dire « tu vas prendre une amende si tu roules trop vite » mais à partir de notre expérience de cette tentative d’exercices scabreux, que je vais décrire, ça frappe un peu plus leurs esprits que la perspective de la prune.

On fait en 3 étapes :

— Perception des distances — Perception du temps — Le scooter magique qui passe au travers des murs.

*Distances

Nous sommes généralement dans leur salle de classe habituelle, alors on leur demande naïvement « Elle mesure combien de long votre classe ? »

— « Allez-y, nous allons noter, comme elles viennent, toutes vos propositions au tableau. »

Leurs propositions fusent, ça s’ébroue de partout et on entend des chiffres, tellement vite que l’on ne voit souvent pas l’élève qui avait son idée mais levait la main en attendant sagement pour qu’on lui dise de la dire, il faut faire attention à ces détails. On n’est surtout pas là pour en faire des huîtres.

Verdict : Disons une salle d’une longueur de 10 m, les propositions annoncées vont de 4m à 20m dans les cas les plus « extrêmes » que nous avons pu rencontrer. En moyenne c’est une marge d’erreur de −50 % à +50 %. Soit, passons à la suite :

  • La mesure du temps, ou plutôt des durées.

L’exercice qui ne dure pas longtemps non plus, est le suivant :

Nous demandons au sein de la classe si un « Huissier » peut se proposer pour observer ce jeu afin que les mioches soient assuré·e·s du résultat qui s’en vient. Contrairement à certains corps qui s’illusionnent comme la police, nous savons que notre parole n’a en principe aucune valeur à leurs yeux et que celle de l’un d’entre-eux compte beaucoup plus que nos doctes affirmations que nous évitons d’ailleurs.

Nous invitons l’« Huissier » à venir s’asseoir à une place où il voit toute la classe. Nous n’intervenons qu’avec des demis-classes et nous bouleversons l’implantation de la classe pour n’en laisser que des chaises en demi-cercle, et nous restons en leur milieu hors d’une quelconque élévation d’estrade.

Il leur est en principe assez facile de participer à ce jeu. Les règles sont les suivantes :

Nous leur donnerons un premier « TOP » où ils fermeront alors les yeux.

Puis à un second « TOP » ils doivent, toujours les yeux fermés, compter dans leur·s tête·s jusqu’à 10 secondes, des secondes pas des un-deux-trois soleil. On leur demande ici d’essayer de se comporter comme des horloges.

Puis quand ils.elles seront parvenu·e·s à 10 secondes dans leur « comptage », de lever un bras, de garder les yeux fermés jusqu’aux prochaines instructions (C’est presque fini !)

Quand toute la troupe a terminé son comptage « mental », nous les libérons de leur aveuglement volontaire, puis nous demandons à l’« Huissier » de nous décrire ce qu’il a vu à propos de la séquence des bras qui se sont levés pour signaler la fameuse mesure à « 10 secondes » de comptage qu’il a pu constater.

Vous-vous en doutez, la précision métrologique est une catastrophe, on est dans une fourchette de 5 à 15 secondes le plus souvent.

À ce stade, bien entendu, on se garde bien de fouetter au barbelé rouillé les mauvaises réponses, on se contente de noter et de remercier les contributions.

Puis, il faut leur dire gentiment que toutes leurs mesures relèvent du pifomètre complet.

Pour la mesure des distances on annonce l’imprécision, il y a toujours un Einstein en herbe qui a eu l’idée des dalles du plafond ou des plaques de carrelage pour vérifier le bon chiffre, très très souvent après coup.

Pour les durées, ma foi tout le monde admet que depuis qu’il n’y a plus d’horloges Comtoises qui battent la seconde dans les classes, hé bé on est bien emmerdés. :–)

Ça devient sensible, car ces mioches ont bien compris que nous les avions en quelque sorte piégés, ils ont alors des regards étranges, tellement habitués à être sanctionnés pour leurs erreurs. On n’est pas des chiens, on explique alors que l’on ne mesure pas leurs capacités propres mais un échantillon représentatif de l’espèce humaine et ses sens/capteurs qui ne sont pas adaptés pour ces unités ! Mesurer les mètres, les secondes ça ne sert strictement à rien pour échapper aux dangers, se nourrir et se reproduire.

Le plus dur est fait, il va falloir faire des genres de mathématiques. En expliquant que nous avons tenté collectivement de mesurer temps et distance. La crête est alors un peu raide pour parvenir à leur faire combiner ces deux « unités » pour comprendre que la distance par le temps c’est la vitesse.

À ce stade on perçoit combien cette notion est complètement vaporeuse, inscrite dans leurs (et nos) esprits par des images de compteurs de machines sportives, de panneaux de limitation de vitesse ou d’annonces fracassantes.

Ils admettent alors que leur voisin qui sort énervé sur la route pour dire « Celui-là il roule au moins à xx km/h c’est honteux ! » cela relève d’une abusive approximation.

  • On peut passer au scooter magique qui passe au travers des murs.

On leur demande d’imaginer que les murs opposés de leur classe, vous vous souvenez ceux qui sont distants de 10 m, sont des parois que l’on peut traverser à l’aide d’un scooter magique. En haut de chaque seuil il y a une lumière verte qui indique si la paroi est ouverte ou  rouge si elle est fermée.

« On roule à maximum combien en ville ? » demande-t-on.

On retiendra la bonne réponse majoritaire : 50. La proportion de réponses « 30 » progresse au fil des années, c’est bon signe.

Nous leur demandons d’imaginer l’expérience de pensée suivante :

Les deux lumières des murs sont vertes.

Derrière le premier mur, dans une autre classe, vide, un élève conduit le scooter et accélère pour franchir le premier mur à la vitesse de 50km/h, il traverse toute la longueur de la classe et disparaît derrière le second mur. Il va bien.

« À votre avis, combien de temps aura duré son transit dans la classe ? Entre sa sortie du premier mur et sa disparition derrière le second, sachant qu’il roulait à 50 km/h. Allez ! On note vos réponses.»

« 8 secondes », « 5 secondes », « 10 secondes », « 6 secondes », un timide « 3 secondes »

Ensuite ça devient compliqué pour des troisièmes ou des quatrièmes, il faut leur expliquer que l’on dispose de tous les paramètres pour calculer ce temps de transit sur 10 m à 50 km/h.

Je vous passe l’épisode de la conversion de km/h en m/s.

Des « gnans gnans c’était mieux avant avec le certificat d’études, groumpf » pourraient exploiter toutes leurs réponses farfelues car trop spontanées quand on demande « il y a combien de secondes dans une heure ? », ou « un kilomètre, c’est combien de mètres ? ». C’est vrai que dans le feu de l’action on entend des « 60 », des « 360 » ou d’étranges « 1200 ».

Spoil : 50 km/h c’est 13.88 m/s donc pour traverser cette classe de 10 m à cette vitesse il suffit de 0.72 secondes. Hé ouais !

C’est assez bouleversant de constater qu’entre leurs perceptions et la réalité on frise souvent un facteur 10.

Note de la rédaction : 50 km/h c’est la vitesse à laquelle on atterrit sur le bitume si l’on saute du troisième étage, tout nu ou avec un édredon ou un haltère.

Deuxième et dernière expérience de pensée avec le scooter magique, c’est bien, maintenant il est chaud.

C’est le même scénario que dans l’épisode précédent, mais une fois le premier mur franchi, notre vaillant conducteur de scooter magique constate immédiatement que sur le mur de sortie le voyant est rouge.

« Alors, que peut-il faire ? Freiner ? »

En fait à peu près rien, le temps qu’il aperçoive le voyant rouge sur le mur de sortie, dès qu’il a passé celui de son entrée dans la classe et qu’il décide d’envoyer un influx nerveux dans les muscles de ses mains pour freiner, et avant que les plaquettes mordent le disque il se sera écoulé dans le meilleur des cas une demi seconde.

Vous connaissez maintenant l’origine de la viande du hachis parmentier qui sera servi à la cantine pour midi.

Voilà, vous connaissez la trame à partir de laquelle on essaye de travailler.

Si ça pouvait vous servir en famille ou dans la cadre de votre enseignement à orienter vos cours d’ASSR1 et ASSR2.

C’est verbeux j’en suis navré, mais pour ça nous n’avons pas trouvé de moyens plus simples de leur faire appréhender cette notion de vitesse qu’ils vont côtoyer toute leur vie.

Remarques bienvenues en DM à @tonton_mollo@mamot.fr

Faites gaffe à vous !

Ah Xavier Bertrand !

À l'époque où il avait porté la loi pour interdire de fumer dans les lieux publics, les entreprises, je l'avais très nettement entendu dire dans l'une de ses allocutions télévisées que sa loi allait sauver 2500 vies par an en citant une étude de son ministère.

La loi en question : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000818309/

Encore fumeur, je pouvais cloper dans mon burlingue sans déranger quiconque. Ça me piquait comme tous les accros/dépendants de devoir arrêter et je voulais comprendre le bien fondé de son affirmation. Elle reposait en grande partie sur les “ravages” du tabagisme passif.

Le lendemain matin de sa déclaration j'ai téléphoné au ministère de la santé, dont il était ministre, pour m'enquérir de la source de cette fameuse étude.

Des agents, au demeurant très sympathiques, m'ont indiqué que l'étude qu'il avait citée n'était pas une production de leur ministère mais une étude européenne uniquement disponible en anglais. Soit !

Les équipes qui l'ont réalisé ont fait des analyses sur les décès hospitaliers dans la plupart des pays européens et tenté de les corréler avec les signes cliniques pour déterminer une ou plusieurs causes ou facteurs.

Bien entendu ils ont pointé le tabagisme dans des cas de décès diagnostiqués avec des cancers du poumon, de la gorge ou d'accidents cardio-vasculaires.

On frise déjà le quasi pifométrique.

Puis pour chaque pays, ils ont estimé le nombre de vies pouvant être sauvées en interdisant de fumer dans les différents contextes de vie.

Alors effectivement ils concluaient que si l'interdiction était prononcée dans tous les contextes, y compris au domicile, on pouvait escompter, pour la France, une baisse de 2450 décès dus au tabagisme passif par an.

Ils présentaient un joli tableau dont je ne me souviens que des colonnes 'Domicile' et 'Travail'.

La valeur pour la catégorie 'Travail' en France qu'ils estimaient par an était de : 24 !