Devoir encore tout quitter et tout perdre ?
2500€. Voici la somme à laquelle semble belle-et-bien suspendre la situation actuelle.
« ben, laquelle !? »
La voici présentée de manière la plus succincte possible, mais il n’est cependant pas possible de faire l’impasse sur certains points… et les tracas administratifs d’un étranger en France vous sont mêmes épargnés, tellement il y en a raconter.
Juillet 2010, c’est départ de Belgique et arrivée en France, au Cantal pour être précis, avec dans les bagages un projet professionnel de culture de plantes aromatiques et médicinales en permaculture. La famille ; à savoir l’amoureuse, les 3 enfants ( à l’époque 9, 5 et 4 ans), moi et les chats et chiens; emménageons dans une toute petite maison de pays dans laquelle tout est à refaire. Le deal avec les proprios, c’est « travaux contre loyer ». Pas de soucis, et le projet commence, avec comme seuls revenus, le temps de se lancer, 3 mois de chômage.
Décembre 2010, c’est la cata, les « proprios » en fait ne sont pas véritablement en possession des lieux, qui appartiennent à leur oncle, hollandais comme eux, et ce dernier leur réclame le remboursement d’une somme prêtée. Sans possibilité de le faire, ils nous mettent la pression pour qu’on finisse TOUS les travaux en 3 mois pour le bas et en 6 mois pour tous le reste du bâtiment, toit compris,afin de louer le bien et rembourser l’oncle. Ceci n’ayant jamais été dans notre accord de base, vous imaginez dans quel état nous sommes en apprenant ça… et le tout à distance, en Belgique, où nous étions remontés pour nos premières fêtes loin de nos familles.
Janvier 2011, je redescends seul retrouver un logement. C’est chose faite dans le hameau d’à côté pour que les enfants puissent rester dans l’école où ils venaient juste d’arriver et faire connaissance.
Mai 2012, alors que la fin de l’année scolaire approche, nous commençons à nous dire que notre projet de vie ici est mort, impossible de trouver des terres pour nous accueillir quand on n’a pas le sou. Ça sera donc retour en Belgique en juillet. Sauf que non, hourrrraaaa, je décroche un travail dans le médico-social, en foyer d’accueil médicalisé avec des adultes cérébrolésés. C’est à 1h de route de là mais bon, suis trop content.
Novembre 2012 nous déménageons une nouvelle fois, car les collègues sachant la route que je prenais pour travailler, m’ont prévenu que le col du prat-de-bouc sera infranchissable avec la neige, et un détour par les routes ouvertes prendrait facilement 30 minutes de plus. C’est cool, on trouve une maison à 10 minutes du boulot, tout le monde peut se poser mais ça nous fait notre 3ème déménagement, on ne bougera plus avant d’avoir trouvé un lieu à nous, où vivre et se poser définitivement.
Novembre 2013 le lieu est trouvé, rebelotte, 4ème déménagement, pas très loin et cette fois… ça sera le DER-NIER. On a trouvé une vieille maison, toit hs, mais du terrain et de l’eau sur place, super pour tout le monde… y compris nos compagnons à 4 pattes.
Et tout se passe plutôt bien jusqu’en 2018-2019, où la vie prend une tournure compliquée. Oui, car si je me réalise au travail, ce n’est pas le cas pour l’amoureuse, c’est tendu entre nous, je la vois dépérir petit à petit … jusqu’à ce que nous décidions de ne plus vivre ensemble, il faut qu’elle bouge et elle a raison. Même si nous tenons énormément l’un à l’autre, il n’est plus possible de vivre ensemble. Les enfants ont grandit, ils comprennent et nous leur offrons le choix du lieux pour leur scolarité: ville ou campagne. De ce fait, un temps je suis avec le grand qui fini sa dernière année de lycée, et la grande qui est au collège. Ensuite le grand va à Clermont-Ferrand en tant que boursier pour y étudier l’Histoire et la grande termine son collège. En septembre qui suit, c’est fait, je suis seul en présence dans cette maison.
Les choses changent au travail, les projets de vie des résidents et l’accompagnement se transforment de plus en plus en « tarification à l’acte », en tant qu’humain sensible et syndiqué, je m’oppose à ma direction et tente de soutenir les collègues. Ça marche un temps, mais c’est épuisant.
2019 et bien, c’est le burn-out. À la croisée de tout, il y a la vie ici sur place, j’y suis bien même si c’est hyper sommaire, mais la famille ne s’y retrouve plus qu’aux grandes occasions, et même si c’est déjà ça, et bien… je craque, syndrome anxio-dépressif.
Penser à tout : au travail salarié nécessaire mais pas valorisant, aux défections des engagements pris par l’association pour laquelle je travaille, voir les amours loin, devoir entretenir les lieux seuls, s’occuper des animaux, gérer les relations parfois conflictuelles avec les voisins, se demander pourquoi d’autres y arrivent et pas moi… et bien c’est trop, ma tête n’en veut plus, mon corps non-plus. Ça tombe , c’est l’arrêt de travail pour maladie.
Septembre 2019 je remonte la pente, la psychologue libérale m’a été aidante, me pousse à me renseigner sur le fait d’être un « zèbre » (comme ma fille en fait et probablement les 3 enfants). Ça va doucement mieux, et le travail passe en temps partiel thérapeutique, ce qui me va à merveille, tout semble pouvoir être concilié et ça roule autant que ma fragilité le permet. Mais ça c’est pour l’humain.
Pour toute l’administration autour, c’est la galère, des retards de l’employeur pour expédier des documents, des loupés à la cpam, médecine du travail qui entend mais ne peut rien faire (ben oui c’est la médecine du travail, pas celle des travailleurs) et là, c’est catastrophique, les salaires arrivent quand ils arrivent, le complément de la cpam c’est pareil, aucune régularité au début, et c’est un peu compliqué, surtout quand même après 8 ans d’ancienneté vous gagnez 1300€ pour un temps plein (et oui, suis belge, mon diplôme n’est pas reconnu)
Début 2020 c’est la rechute côté boulot, pas moyen de passer définitivement en temps partiel ou de nuit, ce qui permettrait de dégager du temps de jour pour les travaux et l’autonomisation.Ça me tracasse, me ronge petit à petit. C’est donc vacillant. Mais le lieu est à mes yeux hyper reposant, et ça me maintient à flot malgré tout. Moi l’apatride volontaire, mes racines semblent belles et bien être ici.
Mars 2020 et bien vous vous en rappelez, privation de liberté pour cause de sars-cov2. Et ça sonne, tonne et résonne comme la fin du monde pour moi, ça ne m’aide pas du tout, la peur m’envahit et je priorise des achats nécessaires pour pérenniser certaines choses tant que c’est possible. Essentiellement des achats de matériel pour se déplacer, réparer, travailler sur le terrain. Ça peut sembler bizarre mais ça a été ma manière de réagir.
Résultat, j’ai eu 3900€ de retard en 10 mois durant ces périodes là
Novembre 2020, réception d’un commandement de payer valant saisie immobilière, et dans la foulée, j’ai repris une mensualité augmentée de 450€ (au lieu de 380€) et mon indemnité de fin de contrat m’a permis de verser 1700€ de plus. Mais tout continue.
Mars 2021, plus exactement aujourd’hui le 1er avril (et ce n’est pas un poisson, j’aurais préféré) j’apprends que la mensualité peut continuer mais… qu’il faut que j’offre une garantie supplémentaire entre 2000€ et 3000€ pour transiger devant le juge, et obtenir auprès du créancier un protocole d’accord. Donc 2500€ en 1 semaine. UNE-SEMAINE , comme si on ne pouvait pas me prévenir plus tôt bon sang. Là c'est la colère qui s'exprime.
Maintenant, suis sur le cul et dépité, comment faire? L'activité pro indépendante ne commencera qu'en mai (au mieux).
J'ai possiblement moyen de vendre des consoles et des véhicules en sachant que ceux-ci méritent quelques travaux et ne devraient pas réussir à couvrir grand chose. Mais c'est à tenter, de toute façon je ne peux pas tout garder.
Voilà toute l’histoire, suis plutôt à nu avec tout ça. Sachez que ceci est écrit avec beaucoup d’émotions, pas à chaud mais presque, il se peut qu’il y ait des trous ou des imprécisions… et que c’est la première fois que je dévoile ces choses ensembles au même endroit au vu et su de toute personne qui arriverait ici.
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prenez soin de vous. Vous êtes précieuses