La Prostituée Sacrée

Réécriture de La Prostituée Sacrée par Paule Salomon dans Nu, Le Livre des Possibilités, 1977

Chacun est à soi même sa propre vestale. Le sexe évidemment, mais le Sexe Sacré, celui qui baigne le corps de lumière dorée, le sexe qui décline une énergie montante. Je captais cette possibilité merveilleuse en chaque être et je voyais mal comment on pouvait imaginer de se consacrer à un'e seul'e.

Les complications psychologiques d'une relation privilégiée me semblaient plus souvent mortelles à la joie d'amour que stimulantes. Sans parler du lieu domestique représenté par le mariage.

Je cherchais l'intensité de la vraie rencontre et les sentiments habituels me paraissaient fades. J'ai longtemps vécu cette liberté instantanée et quasi divine de la rencontre, et la prison des autres me surprenait. Je devais me rendre compte aussi que ma liberté pouvait choquer et déranger, et pour préserver ma paix, j'appris à agir avec circonspection.

Je me racontais que j'étais porteur.euse de la dimension de la Prostitué'e Sacré'e et que je ne savais quoi en faire dans ce monde profane. Par réaction, et pour qu'il n'y ait pas de confusion possible, je me tenais très éloigné.e de tout rapport avec l'argent dans mes relations. Le'a Prostitué'e sacré'e n'est pas quelqu'un qu'on paie. Elle se situe à un autre niveau d'échange.

Iel vit consacré'e et purifié'e pour que sa forme d'énergie dans l'acte amoureux conduise à un moment initiatique, un moment transcendant, une mise en relation avec d'autres dimensions. Dans une autre vie peut-être j'avais connu cet état privilégié. D'où cette surprenante liberté et cette facilité à ne pas concevoir l'acte d'amour dans un contexte sentimental.

Une autre partie de moi-même pourtant voulait rencontrer l'autre, l'unique, le complément parfait, l'ếtre avec qui se construirait une relation dans le temps. Maintenant je tends à penser qu'on peut difficilement trouver ce qu'on cherche dans un seul être. D'autre part, plus on évolue, moins il est facile d'être assuré de suivre à deux la même courbe d'évolution, de rester dans le même taux vibratoire. Il arrive un moment où une relation devient limitation et d'une manière plus ou moins compulsive – car nous sommes toujours un peu trop englué'es dans les sentiments – la séparation intervient.

C'est une illusion sans doute que de vouloir s'accomplir par un seul être. Nous disposons chacun d'une multitude de facettes qui s'épanouissent à tel ou tel contact. Le désir d'unité qui nous travaille au sein de la multiplicité nous conduit seulement à incarner dans l'instant le maximum sur un seul être. À partir d'un certain stade, il ne peut d'ailleurs plus y avoir de rupture dans la relation mais simplement déplacement d'énergie.

Dans le domaine profane, un'e compagne'on c'est une personne avec qui on partage les multiples anecdotes, les joies plus ou moins élevées, les difficultés, les projets. Ami'e, amant'e, mari, femme ou personne d'Internet.

Dans le domaine sacré, c'est une entité qui partage notre évolution psychique, qui la suit, la soutient, l'emmène. La relation est complètement différente. En aucun cas elle n'est close sur elle même puisqu'il s'agit moins d'illusions de la relation que de ce qu'elle favorise comme passage pour chacun. On reste droit l'un en face de l'autre, chacun dans son parcours.

La passion ici, sous sa forme destructrice et possessive, n'a plus droit de cité.

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Mathieu-Flâneur mate [at] e.email