Mathieu Mescam

Correspondances, auto-fictions et histoires courtes

Bonjour Mme Zanko,

J'espère que vous allez bien. Pour moi cette nuit, c'est insomnie. Ça faisait longtemps ! J'ai pensé à vous en regardant l'heure qu'il était, il y a 1h, à 2h du matin. Vous qui disiez que vous appréciiez le travail en charrette la nuit, me voilà à mon tour au travail à une heure avancée, même si je n'ai aucune obligation de résultat dans ma production.

Comme dit précédemment, je suis dans une situation de nanti où mes points faibles, liés à la maladie invisible psychique et chronique, m'ouvrent le droit à des prestations sociales dignes des revenus d'un rentier. Autant dire que de mon côté, tout va bien. J'oscille toujours entre bonne humeur et crises d'angoisse mais je ne peux pas me plaindre. Autour de moi, tout va bien.

Je participe depuis quelques semaines à un Club de conversation en Anglais. Hier, sur le chemin pour aller au café avant de me rendre au SEW, le nouveau lieu culturel où se réunit le groupe, j'ai rencontré Marie, 40 ans, qui habite à Lannion, cherche un nouvel emploi et fréquente le Club depuis la semaine passée. Je l'ai invité à partager un bon café au Tempo, un bar très sympa situé sur le Port de Morlaix. Le courant passe bien entre nous, même si elle a parfois des manières un peu particulières de s'exprimer. Des manières que j'aurais du mal à expliquer ici.

Quoi qu'il en soit, j'ai apprécié sa compagnie. Après Le Tempo, je lui ait proposé de continuer notre chemin jusqu'aux écluses et le magasin de café et de chocolat Grain de Sail. J'ai acheté mes 250g de café et deux tablettes de chocolat noir hebdomadaires puis on est repartis en direction du Club d'anglais. Nous avons profité d'être en avance pour jeter un œil à l'exposition Armor India, située juste avant la Cour d'Honneur de l'ancienne Manufacture des tabacs.

J'en profite pour vous inviter chaleureusement à Morlaix. J'aime chaque jour qui passe un peu plus de vivre dans cette vieille ville en perpétuel changement. Après le SEW et Grain de Sail, il faut passer par le Viaduc et s'arrêter faire une pause à La Virgule puis à la Librairie Dialogues. Le samedi matin pour les plus courageux c'est jour de marché Place Allende. C'est l'occasion de boire un coup au Ty Coz, le plus ancien bar de la ville et de passer devant la maison de la Duchesse Anne.

Bref, vous ne serez pas déçue du voyage ! En plus aujourd’hui, Morlaix n'est plus qu'à 3h de Paris en TGV ! Vous pouvez si vous le voulez faire l'aller retour dans la journée mais un vieil ami m'a conseillé l'Hôtel de l'Europe et ses fameux petits déjeuners. Je n'y suis jamais allé donc je ne saurais vous le conseiller. Vous devriez sinon trouver un logement via Airbnb, vous qui connaissez si bien cette plateforme !

Que dire de plus sur ma ville natale ? Je crois que j'en ai fait le tour suffisamment pour la laisser un peu de côté à partir de la mi-septembre, voire de la fin juin. En effet, mes parents me laissent la maison familiale pour quelques semaines cet été. Ce serait peut-être intéressant, si vous le souhaitez, de passer quelques jours en Finistère cet été ?

De plus, je démarre une formation de pré-orientation à Brest le 18 septembre. Je pense donc économiser deux mois de loyer et rendre mon appartement au début de l'été. Rien est encore fixé mais la réflexion est en cours.

Voilà, je crois que le sommeil revient. Merci de m'avoir lu, chère Anne.

À bientôt !

Mathieu

Où sont allées les abeilles ? Où sont passées les fleurs ? Où sont allées les corneilles ? Où sont les saules pleureurs ?

Toute recouverte de solides bétons armés, la ville est tellement plus facile à nettoyer . Comment un humain peut encore respirer ? C'est 2063 et la vermine elle ne s'en va pas

Où sont passés les bulletins de vote ? Devenus bâtons et vulgaires carottes
Où s'en est allée toute l'imagination ? Noyée dans puits de connerie sans fond

Il paraît que c'est la crise depuis l'éternité, mais c'est carrément impossible à digérer. Comment un humain arrive encore à se regarder ? C'est 2063 et j'espère même plus quoi que ce soit

Il n'y a plus de gros bisous, plus aucun câlin . Terminé les promenades main dans la main . Comment un humain ose encore être humain ?

Je travaille dans un supermarché, le vocabulaire y est très restreint. il est pressé, dépouillé de ce qui ne sert pas l'objectif commercial et l'efficacité. J'assiste à un équarrissage sémantique à coups de badinages. Les mot sont réduits à leur fonction. asservis à ce qu'ils désignent, ils deviennent des doigts qui pointent des besoins, sont employés ceux qui se disent avec le moins d'effort, qui se reçoivent le moins péniblement.

On est assommé de discours que l'on ne souhaite pas emporter avec soi, les mots sont allégés mais aussi édulcorés et finalement collent aux souvenirs. La poésie s'est échappée, le jargon est vide, monolithique, sans ampleur

On est loin d'un vocabulaire artisanal et technique qui traduit la complexité, la nuance, les finesses d'une activité

Totalement, entièrement, complètement, tout-à-fait peut se réduire à 100%. On cultive la redondance, la répétition, le radotage

Ce qui n'est plus usité est incompris, ce qui est incompris est oublié