L'envie d'être en vie
Texte rédigé pour l'appel à textes organisé par Primel Animations
Y’a des réveils plus faciles que d’autres. Je suis plutôt flemmarde, j'aime me lever tard, contempler. En ce moment, c’est le réveil du dos le plus compliqué. Mais j’ai de la chance, je me réveille souvent joyeuse quand même. J’avoue que j’ai rarement envie de me lever. Je déteste même me lever le matin ! Je préfère mieux rester au lit, faire durer le sommeil le plus longtemps possible. Parfois j’aime me lever tôt, aussi. Et avoir la sensation qu’une journée entière est à manger.
Je suis plus efficace le matin pour faire ce que j'ai à faire. Évidemment, ça dépend des matins. Enfin, ça dépend surtout de la nuit qui a précédé le matin, et de la veille. Je petit-déjeune peu de temps après m’être levée. Je bois du café, un peu trop, je sais. Je fume des cigarettes, sans doute un peu trop aussi. Récemment, je me suis mis à rouler des joints de Cannabidiol, que je fume pur, sans y ajouter de tabac. Ça me donne à peu de choses près les mêmes sensations que le cannabis traditionnel, celui qui fait rigoler, et qui est surtout concentré en Tétrahydrocannabinol.
Chez moi, le travail c’est beaucoup de temps à écrire, à parler au téléphone. À prévoir, organiser, anticiper, coordonner. Aujourd'hui c'est aussi le confort et la liberté d’être chez soi. La bulle. Ailleurs, et avant, c’était pleins de surprises et les journées se ressemblaient rarement. J’ai toujours essayé de ponctuer mes journées de moments avec des gens que j’aime. Et de moments de découverte et de curiosité. De garder du temps pour moi. D’y mettre de la douceur, de l’intensité, de la joie, de la légèreté, de l’amour, surtout, et beaucoup ! Je n’y arrive pas toujours.
Mercredi dernier on n'a pas pu pratiquer de cohérence cardiaque, à cause des vagues. Elles étaient bien trop nombreuses ! Le rythme était insoutenable. On n’avait pas le temps d’inspirer qu’une nouvelle vague nous demandait déj́à6 d’expirer ! D'habitude, on peut se reposer sur leur rythme pour respirer. Impossible ce jour-là.
La cohérence cardiaque, ça apporte de nombreux bienfaits sur la santé physique, mentale et émotionnelle. C'est une pratique que chacun peut s'approprier pour aller mieux dans sa tête et dans son corps. Demain, la mer sera haute, on va vite se retrouver sur les cailloux. Quand il y a trop de courant, à marée haute, c'est parfois compliqué de se baigner. J'espère que demain la marée ne va pas monter trop haut.
Je crois que plus je me baigne, et plus j'ai envie de me baigner. À cette époque de l'année, au tout début du printemps, je supporte encore facilement la température de l’eau, qui plafonne à environ 10°C, en petite combinaison de plongée et en lycra.
J'ai atteint un grand âge : 83 ans. Retraitée depuis 20 ans, mère de famille et grand-mère de 9 adorables petits enfants, je vis principalement à Plougasnou depuis que j'ai pris ma retraite. C'est mon fils qui nous a trouvé cette grande maison. Avec toute la tribu, on commençait à être à l'étroit dans notre précédente maison. Ici au moins, on a de la place pour loger tout le monde ! J'ai commencé à travailler en tant qu'infirmière en psychiatrie pendant une douzaine d'années, avant d'entrer aux Arts Déco et d’exercer en tant que designer textile. La psychiatrie, c’était le seul parcours qui me permettait d’être rémunérée pendant mes études. Ça m’a permis de subvenir à nos besoins tout en mettant un peu d’argent de côté pour faire face aux coups durs.
Dans les seventies, ma meilleure période, je travaillais avec des papiers crépons de couleur, des ciseaux et de la colle. Ensuite, dans les années 80-90, avec des encres de couleur passées en jus sur du papier croquis que je travaillais, malaxais, et froissais pour obtenir des matières variées. Quand tout allait bien, dans ma période faste des seventies, je travaillais en charrette la veille de mes rendez-vous, pondant très facilement mes petits dessins. Plus tard, avec les enfants, j'adorais passer du temps avec eux, les voir vivre, découvrir, dessiner, et comme mon mari occupait l'atelier, je travaillais plutôt de nuit, toujours en charrette.
La nuit rien ne vous dérange, j'aimais cette tranquillité et je suis restée vraiment noctambule. Pendant le confinement passé à la mer, j'ai redécouvert avec ravissement la nature et les saisons. Habituellement j'aime voir des expos, mais dans ces derniers temps de pandémie, je me suis plongée dans les vieilles lettres et les photos anciennes. Je dois dire que le passé me passionne !
Aujourd'hui je suis comblée. “Autour de moi, tout le monde va bien !”, comme dit souvent un de mes neveux. Mes enfants ont élevés mes petits enfants du mieux qu'ils ont pu. Les petits commencent à entrer dans la vie active ou sont toujours aux études. Je suis ravie de les avoir au téléphone ou de les recevoir de temps en temps à la maison. Je suis très fière des chemins des gens que j’aime, des gens que j’aime de manière générale. Je suis fière d'avoir trouvé un équilibre personnel et d’avoir été heureuse en couple et en famille. Et juste par rapport à moi, de ma capacité à voir la vie, le beau et l’amour le plus possible, tout le temps !
De temps en temps quand même, j'apprends de mauvaises nouvelles. Untel est décédé, une autre est malade. Pour faire face, je médite. Je pratique aussi la réflexologie faciale. Le but, c’est d' apporter du bien-être, d'apaiser et de soulager les douleurs, de diminuer des troubles. Souvent, j'ai la peur du vide et de l'ennui. L’inconstance de la joie et de l'envie. La distance avec les gens que j’aime. Le manque de confiance. La difficulté à prendre soin de mon corps, qui s’exprime pourtant clairement.
Quand tout va mal, je dors beaucoup. Je pleure beaucoup, je crie un peu parfois aussi, parce que ça fait du bien. J’essaie de faire une pause. De lâcher prise. D’arrêter un peu le temps. De laisser du temps au temps. J’essaie de m’écouter. Et d’identifier ce qui fait mal. De donner la parole aux parts qui souffrent. Mais tout ça, ce ne sont que des tentatives.
Quand tout va mal, je mets de la musique et je chante fort, souvent ça me procure des émotions très fortes et ça me fait pleurer. Les pleurs m'apaisent et me permettent de recharger mes batteries. Quand tout va mal, je dors, j'écris, je m'effondre devant la télé. Dans ces moments, la beauté en général est mon meilleur soutien. Mais ça ne dure pas longtemps, j'ai un caractère plutôt optimiste. Depuis que je suis en retraite, je suis constamment débordée ! Je partage mon temps entre la maison, la serre, le jardin, et la marche aquatique. Quand tout va mal, ce que je réussis le mieux, je crois, c’est d’accepter que tout va mal et me laisser traverser avant de pouvoir y faire quelque chose.
Depuis 5 ans déjà, je vais me baigner deux jours par semaine à Primel ou à Saint Jean, suivant la hauteur de la marée. Je n’aurais de cesse de louer les bienfaits de ces bains de mer, deux fois par semaine. Ces bienfaits s'observent sur le long terme, et sont très réguliers. Les bénéfices retirés des bains de mer sont supérieurs aux regrets de ne pas y aller. Alors en 5 ans, je n’ai raté presque aucun bain de mer !
On dit souvent qu'il ne faut pas se baigner plus d'une minute par degré dans l'eau. Au delà, au mieux on risque d'attraper un mauvais rhume, au pire c'est l'hypothermie ! Alors on ne se baigne pas longtemps, mais une fois qu'on est dans l'eau, on s'active, on bouge, il ne faut surtout pas rester statique !
C'est chouette de retrouver le groupe de baignade. On est une vingtaine d'inscrits, et environ 12 présents à chaque bain de mer. Il y a de la bienveillance, en permanence. Les membres les plus à l'aise sont toujours là pour accompagner les plus vulnérables. Chacun s'encourage à sa manière. On plaisante, on rigole, c'est une très bonne ambiance qui règne dans le groupe.
Ce sont ces bains de mer qui me maintiennent en vie. C’est ce qui me donne l’envie d’être en vie.