Réchauffement (3) — Jouer sur les mots?

Dernière mise à jour: 10/01/2025 20:00

Avec cette série de notes, je présente des opinions personnelles — en réaction à des discussions sur le réseau social Mastodon — sur le réchauffement du climat. La présente note fait suite à celle-ci: Réchauffement (2) — windy qui es tu (suite et fin)?

J'aborde ici la petite discussion que j'avais eue avec M1 d'abord, et M2 ensuite. Pour information, j'ai placé l'essentiel des échanges de vue dans ce document. Cela étant, lorsque je l'estime utile pour la compréhension de mes commentaires, je citerai des passages directement dans les notes.

Précisions introductives

Pour commencer, voici les deux opinions principales que j'ai exprimées au cours de cette discussion (je me cite):

(1) les rapports du GIEC n'évoquent pas de “dérèglement” climatique (mais un “réchauffement”) et (2) ... à mes yeux, il n'y a pas de “consensus scientifique” sur le fait que le CO2 soit le seul responsable du réchauffement constaté, que c'est un consensus politique qui a fabriqué l'idée d'un consensus scientifique.

Aussi, face à des reproches selon lesquelles je niais une réalité prouvée, j'ai par ailleurs précisé que je ne niais pas l'idée du CO2 anthropogénique comme facteur déterminant dans le réchauffement observé, mais que, du fait de ma propre démarche de recherche d'informations, je doutais de la justesse de cette idée. Je n'ai ni mis en cause l'engagement citoyen de mes interlocuteurs face à ce qu'ils perçoivent comme un cataclysme imminent si on ne fait rien, ni appelé à l'inaction, ni jugé négative la qualification de politique que j'attribuais au consensus actuel.

La discussion a été initiée par moi lorsque j'ai cru utile et nécessaire de signaler ce qui est à mes yeux une erreur que je constate assez régulièrement un peu partout, pas seulement chez M1. Voici une phrase à l'origine de ma réaction:

M1: ... Les preuves des conséquences du dérèglement climatique sont de plus en plus sous nos yeux.

C'était l'expression “dérèglement climatique” qui me posait problème. Comme M1 semblait ne jurer que par le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), je lui ai demandé de m'indiquer un passage du dernier rapport de ce groupe qualifiant le climat, en s'appuyant sur des preuves, de “déréglé”. En retour il admit ne pas avoir trouvé de tel passage, mais m'a envoyé un graphique tiré du “Résumé pour décideurs” (note: je n'ai pas trouvé ce graphique dans le document de l'AR6) qu'il estime être une preuve manifeste émanant du GIEC de la réalité d'un dérèglement climatique. Il s'agissait de ce graphique:

graphique

Je lui ai fait remarquer que le graphique n'est tout au plus qu'une preuve de “réchauffement climatique” pas d'un “dérèglement”. Aussi ai-je fait remarquer que la variation naturelle telle qu'indiquée était considérée comme sous-évaluée par certains scientifiques et experts. Il m'a dit que je niais un “consensus scientifique” planétaire évident.

Plus tard, ayant pris le relais de M1, M2 a évoqué cette partie de la discussion:

Cessons de jouer sur des mots. Réchauffement, pas dérèglement, entendu.

Dans la présente note j'argumente que parler erronément de dérèglement climatique tout en prétendant se référer au rapport du GIEC de 2021, n'est pas chose anodine et que signaler cela ne relève en rien d'un jeu sur des mots. Dans la note suivante, je compte expliquer ma position quant au “consensus scientifique” concernant la responsabilité du CO2 anthropogénique. Enfin, répondant à l'invitation répétée de M2, je vais évoquer par la suite deux “thèses alternatives documentées” à celle de l'”origine humaine du réchauffement climatique”. L'une de ces thèses est, à mes yeux, aussi remarquable qu'ignorée même des soi-disant “climato-sceptiques”.

Jouer sur des mots

La remarque “Cessons de jouer sur des mots” est à mettre en rapport avec une autre affirmation du même intervenant (no 3):

... communiquer publiquement pour débattre de la réalité d'un consensus scientifique est dangereux: c'est nier une réalilté largement documentée.

Il s'agit de bien comprendre l'idée exprimée là: débattre d'un consensus documenté serait, selon cet interlocuteur, “dangereux”. Je reviendrai dans la note suivante plus précisément sur une portée particulière de cette idée, mais il est important d'avoir ce contexte à l'esprit au cours de la présente note.

A mes yeux, dire que le climat est déréglé ou qu'il se réchauffe sont à l'évidence deux choses distinctes — tellement distinctes que si l'on dit l'une à la place de l'autre on communique deux informations différentes. Puisque dans le cas présent il s'agit de se référer à un consensus scientifique dont nul n'est censé douter de l'exactitude sous peine d'être considéré adepte d'un “scepticisme politique qui nie la science(voir M2, no 9), il devient nécessaire, je pense même absolument nécessaire, de s'assurer à ne pas déformer ce que dit ce consensus scientifique, sous peine de se faire le porte-voix de propos qui nient le consensus même dont on se réclame et dont on critique le déni.

A mes yeux, le fait que mes interlocuteurs font exactement cela s'explique par la permission pour eux de pratiquer un “double standard”, un mécanisme “deux poids deux mesures” instauré en leur faveur: douter ou nier les affirmations du consensus scientifique est partisan (populiste? extrême droite? pro-lobby pétrolier?), anti-science, dangereux et condamnable, tandis que les déformer en les exagérant est acceptable, voire souhaité parce que au service de la bonne cause.

Pire, lorsque, rapport après rapport, le GIEC exprime l'idée que le réchauffement climatique anthopogénique est la cause potentielle (“likely”, “very likely”, “more likely than not”, “high confidence”, “low confidence” etc.) d'effets climatiques dangereux pour les êtres humains, mais qu'il ne dit jamais que le climat est déréglé dû à ce réchauffement, tenir des discours erronés sur le dérèglement climatique tout en étant intolérant à l'égard de discours différents, relève d'un comportement, même une volonté, qui aboutit à imposer autoritairement un discours, à en faire une doxa, voire un dogme.

Selon le GIEC, le climat qui se réchauffe pourrait par exemple engendrer des cyclones avec des vents quelque peu plus forts — calculés à 5% plus forts pour 2 degrés de réchauffement, impliquant que des vents de 200 km/h pourraient passer à 210 km/h. Cela ne veut pas dire que le système climatique soit déréglé. De même que plus de pluies ici et moins de pluies là et des étés un peu plus chauds et des hivers plus doux, n'impliquent pas non que le climat soit déréglé. Et même tous les événements potentiels possibles et plausibles ensemble n'impliquent pas un climat déréglé... en fait je ne sais même pas ce que serait concrètement un “dérèglement climatique”. Est-ce que le climat était réglé avant l'ère industrielle?

Un aspect de cette dérive du langage c'est qu'elle tend à générer une insécurité infondée et pas nécessaire sur la perception populaire des événements météo et climatiques et sur les politiques de l'environnement en général. Dire simplement, même éventuellement à tort, que le climat se réchauffe légèrement depuis une centaine d'années à cause des émissions humaines de CO2 dans le respect d'un “consensus scientifique” établi, cela traite les gens et soi-même au moins comme des adultes en leur faisant confiance avec un point de vue consensuel sur la réalité. Parler erronément de “dérèglement”, ne joue nullement sur des mots mais bien sur des peurs. Cela fait faussement croire que toute configuration météo est dorénavant la preuve d'un climat ayant perdu l'ensemble de ses mécanismes de régulation: il pleut pendant trois jours, le soleil brille en été, la neige en hiver fond rapidement, l'hiver est doux, le vent souffle fort... tout cela est devenu une preuve sous nos yeux d'un dérèglement climatique . Et lorsque ces peurs sont imposées par des arguments d'autorité tel celui d'un “consensus scientifique” dont on ne peut douter, cela s'appelle gouverner par la peur. Effectivement, je constate tout un pan de la société autour de moi qui a peur de sortir, peur de la neige, peur du vent, peur de voir le monde s'enflammer, peur pour leurs enfants livrés à un climat devenu sauvage... Ajoutez à cela ces images de dévastation totale, de planète détruite et de fin de l'humanité qui ne sont en rien liées au réchauffement et à ses conséquences potentielles mais qui “illustrent” des titres exprimant que de la faute des humains, la planète et et l'humanité sont livrées à une sauvagerie climatique apocalyptique qui est en train d'entraîner la survie de la planète donc de l'humanité à une destruction définitive.

C'est ainsi que nul ne s'offusque plus des surenchères déclaratives, alors qu'il est devenu usuel de voir toutes les formulations et prédictions conditionnelles des études scientifiques converties, au nom même du consensus scientifique, automatiquement et systématiquement dans les discours populaires et par des individus autoproclamés “journalistes experts en météo et climat”, en affirmations indiscutables, en certitudes certaines. Et on fait des parias socialement dangereux des personnes qui doutent de la pertinence cette dérive. Tout est permis pour déformer par exagération le rapport du GIEC — après tout il s'agit de sauver la planète et l'humanité — , le reste, même s'en tenir fidèlement audit rapport, étant dangereux et condamnable.

Face à ce que je perçois comme un “consensus scientifique” converti en “certitude populaire”, et face à une mauvaise foi qui, à mes yeux, prend de plus en plus de pouvoir dogmatique, un mot me vient alors spontanément à l'esprit. Et ce mot me dérange, me nargue, car je n'en veux pas, je ne veux y faire face, je me refuse à y croire et d'y avoir recours. Je prie, je prie pour que ce soit moi qui me trompe et que mes interlocuteurs M1 et M2 aient raison.

Obscurantisme.

Surtout, ne pas douter

En 2000, un journal britannique bien informé (The Independant) affirmait savoir de source sûre que les “chutes de neige sont dorénavant du passé... Les enfants ne sauront simplement plus ce qu'est la neige...” Pourtant, il neige encore au Royaume-Uni.

En 2001, un des auteurs d'un rapport parlementaire américain sur le réchauffement climatique a affirmé: “Les changements dans le climat pourraient, d'ici 20 ans, causer la disparition de l'industrie sucrière tiré des érables dans la Nouvelle Angleterre.” Cette industrie n'a pas disparu.

En 2006, le documentaire “An Inconvenient Truth” (“Une vérité qui dérange”) avec l'ancien vice-président des Etats-Unis Al Gore, homme politique s'il en est, présentait ce qui était en train de devenir le “consensus scientifique”. Dans ce documentaire, le conférencier fait des déclarations et des rapprochements à ce point fausses qu'un tribunal britannique en a déclaré onze d'erronées. A l'époque, j'étais convaincu par les thèses du GIEC mais les dérapages ahurissants d'Al Gore dans ce documentaire étaient tellement visibles que je me suis senti obligé de mettre les gens en garde. Où étaient donc toutes ses personnes sensibles au “consensus scientifique” pour signaler les inexactitudes contenues dans ce film?

En 2009, un climatologue annonçait que “l'Océan arctique pourrait être pratiquement sans glace d'ici 2014”. Bon, c'était au conditionnel.

En 2012, Peter Wadhams, un autre climatologue spécialiste de l'environnement de l’Arctique, a déclaré: “La banquise arctique aura complètement disparu à l'été 2016.

En 2007, le “chef climat” de l'ONU, Rajendra Pachauri affirmait: “Si aucune action n'est entreprise d'ici 2012, ce sera trop tard.” Le climatologue James Hansen en 2008: “Nous serons grillés si nous ne nous changeons pas de chemin. C'est notre dernière chance”. Laurent Fabius en 2014: “Nous avons 500 jours si nous voulons éviter un chaos climatique”.

En 2018, Greta Thunberg: “Selon un grand scientifique du climat: les êtres humains auront disparu si nous ne mettons pas fin au changement climatique d'ici 2023.

En 2023, Antonio Guterres, Secrétaire-général de l'Organisation des Nations unies: “La bombe à retardement climatique est en train de tiquer.

J'en passe et des meilleures. A chaque fois, exprimer des doutes était “dangereux” et exiger que les personnes expriment leur opinion de façon plus correcte était jouer sur les mots.

Cela étant, les jugements que je fais dans cette note ne portent que sur un comportement que je perçois comme généralisé. Et si pour ce faire j'ai recours à des observations que mes interlocuteurs ont bien voulu partager avec moi, je n'ai aucun jugement à faire à l'égard des personnes qui qu'elles soient et quoiqu'elles affirment. Plus particulièrement, je n'ai que du respect pour M1 et M2, et je reste ouvert plus que jamais à discuter avec ces personnes ou avec toute autre. En fait, je souhaite pouvoir encore le faire.

La note suivante portera sur mes vues concernant le consensus scientifique dans ce domaine.



windy