view[L'univers du loup]
Je tourne autour d'un loup
Qui ressemble à s'y méprendre
Au centre de l'univers
Tout circule
Tout est mouvement perpétuel
Loup des contes
Du fond des bois
J'aimerais m'allonger sur le sol de feuilles de la forêt
De cette forêt de loup
Qui est le centre de tout
Toucher son pelage
Sa chaleur
Ses crocs
Plonger dans ses yeux
Bleus Jaunes Verts
Parfois noirs
Le centre du monde est un trou noir
Disent
Les scientifiques
Pupille immense
Que je regarde
Qui me regarde
Avec l'espoir d'un enfant, la nuit,
Qui guette
Dos à la terre
Face au ciel
La danse des nébuleuses
Ou celle
D'une étoile filante solitaire
Passant seulement
Pour qu'il puisse faire un vœu
view[Dans quel état j'erre]
Petit vide
En forme de solitude
Qui m'écrit intérieurement
Et me fait prendre le stylo
Je le cherche
– disons-le franchement -
Ce petit état de malaise
Cette sensation de filer en diagonale·s plutôt qu'en ligne droite
De se pelotonner contre ses petits cauchemars
Ses petites inquiétudes
Comme contre un oreiller encore tiède de la nuit
– reste de nuit, oui, mais qui reste familier -
J'alterne
– disons-le aussi -
Avec la joie féroce
L'impression de puissance absolue
La volonté farouche
À mon corps dansant-défendant
D'être là
De ne pas laisser l'invisibilité
Me traverser
Mélancolie/euphorie
Et entre tout ça
J'écris j'écris j'écris
Semant des mots
Comme le petit Poucet
Ses cailloux
Pour retrouver le chemin
D'une maison
?
view[Ta peau]
Douce
Comme un loukoum
Comme la farine
Comme le flanc poudreux d'une montagne enneigée
J'y frotte ma joue
Mon avant-bras
Le dos de ma main
J'y glisse
Car on peut y glisser
Tant elle est lisse
Du cou aux épaules
Des poignets à la pulpe des doigts
Du nombril aux hanches
Aux fesses
– rehaussées d'un petit duvet
fin
léger -
Peau
Enveloppe fondante et chaude
Jusques aux cuisses
Jusques aux talons
– qui marquent un frein rocailleux
pour mieux
filer le long de la plante du pied -
Peau
Ses plis
Ses veines
Épousant tous les reliefs
Les replis doux de ton sexe
Reposé
Et ton ventre
Ton ventre
Comment dire
Comment dire que ton ventre
Est doux comme un bain en hiver
Doux comme une plaine en été
Comme une pierre chauffée au soleil du début de l'automne
J'y dépose l'oreille
La tempe
La paume
Il y flotte une odeur légère et sucrée
De verveine
Je ferme les yeux
Pour mieux me laisser
Infuser
view[Petit merle inconscient]
“Elle écoutait, silencieuse, cette résignation sauvage qui habitait son cœur par habitude” – Lucie Baratte, Le Chien noir
Il y a un merle
Noir comme le jais
Noir comme la pupille dans l'ombre
Noir comme la lumière se reflète par écho à la surface d'une eau, la nuit
Petit merle
Au bec lumineux
Comme un rayon perdu
D'avoir mangé trop de boutons d'or
Je dors
Avec cet oiseau qui fait son nid
Dans ma tête
Alouette
Maladroite, la chanson
– comme le cœur –
Au bord des lèvres
Je siffle pour masquer
La fragilité de mon assurance
J'avance
D'impuissance
En me montrant guerrière
Je montre le bec
Je montre mes yeux noirs
Je veux montrer que je me pose où je veux
Mais
Me sens privée d'ailes
Dès que je crois
Avoir perdu le chemin de ma cage
Petit merle inconscient
Va nicher ailleurs
Je te garderai sur l'épaule, puisqu'il paraît
Qu'on ne se débarrasse pas si facilement
De la légèreté de l'enfance
Ni des défenses de l'adulte
view[Jouer à faire des vagues]
“La tristesse nous laisse entre deux mondes, ni désespoir ni indifférence, elle est une promenade au bord de la catastrophe, mais avec élégance, comme un enfant qui court le long d'une falaise sans percevoir le danger, les yeux dans la fracture du ciel, le dessin des nuages, la douceur du vent” – Anne Dufourmontel, Éloge du risque
J'énumère dans ma tête
Les cheveux aux vent
Toutes les raisons que j'ai
De pétiller
De sauter à pieds joints
De trembler de rire
À la manière
D'un tremblement de terre
De danser les bras ouverts
Mais je prends aussi
Le risque de la tristesse
Qui remet toute chose en son centre
Rien ne m'empêche
De descendre dans l'eau
Me laisser prendre
Par la vague
– A l'âme -
Noire et immobile de silence
Pour entendre l'écho
De mes propres pulsations
Il y aura toujours une serviette pour sécher les pensées sombres
Qui rafraîchissent mes tempes
view[Cœur givré]
Mon cœur se recouvre d'une fine couche de givre. Sans que je ne me l'explique : le spleen.
Je pèse alors quelques grammes de plus. Je penche un peu plus vers le sol. En déséquilibre. Je me sens maladroite en dedans. J'ai la confiance qui fuit et la conscience qui suit.
Je m'imagine moitié moins que ce que je suis. Moitié moins agréable. Moitié moins pétillante. Moitié moins désirante. Presque coupée en deux. Chaque partie a une voix : l'une est muette comme un chat, l'autre loquace comme un diable.
Cœur givré. Je m’annihile. Irrationnelle. C'est bête. Il y a une paroi entre les émotions et moi. Paravent pudique qui me met dans l'ombre des sens. Sans dessus-dessous. Décalage à tous les étages.
Peur givrée que cet état qui me traverse
Reste
Que je ne ressente plus
Que je n'aie plus d'envie
Ni d'imagination
Reste
Métamorphosée
En petite
Coquille vide
view[Saut]
Bonheur à prendre
Quand l'énergie est basse
Inquiétante
Marasme d'être soi et de ne se croire pas
À la hauteur
Sauter la ligne de flottaison
– floraison -
Comme on saute à la corde
Comme on fait le mur
S'évader de soi
– de chez soi -
Et du mazout d'estime
Qui colle à la peau
Prendre une perche
– gâteau, soleil, rencontre, exercice -
Ne pas la lâcher
La planter dans le sol
Et sauter
Tendre le bras
Attraper la pétillante poussière d'étoiles
Une poignée
La fourrer dans sa bouche
Pour qu'elle crépite dans le ventre
Et puis dormir
– pas dupe de cette énergie nouvelle qui effleure à peine la peau -
Mais rêver
Et si possible
Ouvrir les yeux à l'aube
Pour en contempler le feu
Et retourner au lit
Un peu de braises entre les cils
view[Aube rouge]
L'aube rouge
M'appelle
Je me réveille sans réponse
Encore pleine de “qui suis-je”
Et d'épaules
De nuque
D'omoplates
Tendues
Mais cette douceur
– lumière aux doigts de rose -
A quelque chose
D'immobile
De lent
D'apaisant
C'est un liseré coloré
Donné
À toutes celles qui ont les yeux ouverts
Même à moi
Qui me sens pourtant
Comme la plus lointaine
La plus nue
Et la plus maladroite
Des étoiles
view[Chevauchée d'océan]
Des vagues
Des vagues
Des vagues
Bandes de chevaux
Écumants
Fonçant droit sur ma poitrine
Ma nuque
Mes cuisses
Courant tout autour
Filant droit vers
La terre
Les pierres
Bouillant d'excitation
Bousculant tout
Dernier élan près du bord
Se cabrant à l’assaut du sable
Et au-delà encore
Dans le souffle des embruns
Combien de mustangs fantômes
Ont ainsi débarqués
Passant de l'eau à l'air
Chevauchés par les filles du vent
Fuyant les brisant
Pour atteindre les crêtes
view[Une pierre dans le ventre]
Perdre le masque
Ne plus faire semblant
D'être touchée
D'être intéressée
Se sentir brute
Et vivante
Ne plus sourire
Ne plus être légère
Prendre poids
Prendre place
Retrouver son pouvoir