TeDomum Write

Reader

Read the latest posts from TeDomum Write.

from Luc L.M.

Je n‘avais jamais compris le bateau ivre. Mais son secret c‘est qu‘il dérive, emporté par les courants.

Il y a des journées qui sont inechapables. Il y a des lieux communs à réécrire. Il y a l‘effort depiteux d‘un dos courbé et d‘yeux fermés, qui scrutent toute la vie pour des écritures.

Il y a des modèles hais et aimés (trop), des formules entendus et des refrains fredonnés. Surtout des phrases qui sonnent comme dites par un étrange juriste. Il y a tellement de sauts à la ligne.

Il y a toujours

qui ?

Et je ne sais plus trop qu‘est-ce que j‘ai touché.

Bah ! Assez de meurtris ! Même moi qui n‘ai pas de devoir il y a comme des épingles à mes vêtements !

Je ne sais rien qui me porte Rien que des poutres dures Sous mon ventre et mes aisselles

quand je veux parler il y a la plus grande fureur de mots derriere ma gorge et ma tête c‘est tout le TAPAGE d‘un clavier gigantesque c‘est tous les échos de vieux qui m‘ont parlé c‘est les débris d‘internet c‘est la mer et tous les clichés

il y a les circonstances et des jugements il y a que je ne sais plus a réalité.

 
Lire la suite...

from Luc L.M.

Les rues étaient désertées. Où était tout le monde? Où étaient-ils tous partis? Etaient-ils même partis? Je sais que ce n'est pas un rêve, le ciel est entièrement bleu et il fait si chaud, quand je suis sorti, la porte était fermée à double tour, à double tour, mais personne? La rue est là. Les façades aussi. Mais les rideaux? Restent clos? Je ne peux plus bouger. Ma course m'a laissé haletant, et des vertiges. Des épingles transpercent ma tête, quelque chose dans le bleu vibre, c'est au dessus de nous. Il est treize heures.

Par la fenêtre d'un bus, une femme regarde l'horizon. Les couleurs sont fantastiques, ocre et écarlate. Un bruissement minéral vient d'en dehors, c'est le vent. Ses lunettes de soleil empêchent de voir ses yeux. Sur ses genoux, elle porte un cageot rempli de terre, et quelques fleurs fanées. Elle attend, assise en son long voile; seule.

Enfin, du repos. L'ombre est épaisse par ici, un coin parfait pour une sieste. Napoléon lui-même faisait sans cesse des siestes, après tout, je n'ai rien à me reprocher! J'ai de l'eau. C'est presque propre. Le gamin est calme. Nous sommes en sécurité. Je touche distraitement mes lèvres. Non, nous ne pourrons pas rester ici. Nous devons trouver les autres. Combien en reste-t-il? Les mêmes questions, encore, et encore. Nous sommes deux: il doit y en avoir d'autres. D'autres personnes. Me répétai-je. Ici aussi les horloges sont arrêtées. Il y a quelques posters sur les murs de la chambre, et les étagères sont encombrées de bibelots épars. Exposée plein Nord. Je dois faire un effort pour estimer le temps depuis que tout ça a commencé. Deux, trois jours? Est-ce que ça veut encore dire quelque chose? Je devrai bien me décider à nommer cet instant. L'abandon? Le départ? La détresse? Je ne peux pas. J'ai toujours peur. Peur. N'y pense pas. Peur de reconnaître que les rues vides, la ville morte, les cadavres sont vrais. Et pourtant l'odeur âcre de la terre desséchée, elle est là! Les chairs sanglantes, et le silence! Non, n'y pense pas. Les cendres dans le vent d'Est! Mes mains poussiéreuses! Non. La soif! Et la douleur, de voir ceux que j'aimais, MORTS! J'ai fermé les yeux de mes propres parents, parce que le soleil, au beau milieu du ciel, est immobile! Et ma rage, et mon malheur, débordent de mes yeux, et arrachent mon cœur.

Tout est de sel. Les cristaux abiment ses semelles de paille, il peut les sentir sous ses pieds. Il a renoncé à atteindre la mer. Le dos courbé, il ramasse des algues. S'aventurer sur l'estran ressemble de plus en plus à de l'exploration spatiale: le paysage est lunaire. Seuls quelques pêcheurs d'algues, comme le vieil homme, dessinent du relief. Embarrassés par leurs grands parasols, leurs mouvements sont lents et précautionneux. De la falaise, les vigiles les observent, protégés par la fraîcheur relative des cavernes calcaires. Dans les profondeurs du refuge, les algues récoltées trempent dans le lac. A la première pluie, les survivants du port surent que l'espoir était toujours possible sous le Jour; la mer qui reculait toujours retombait du ciel. Alors ceux que la lumière n'avait pas assassinés, et qui ne s'étaient pas laissés mourir, s'étaient rassemblés sous les nuages, écran protecteur. Ils étaient faibles, ils étaient fous, mais ils vivaient. Et c'est ainsi que dans la falaise, sous les voûtes blanches, une communauté d'humains s'accrochait encore à l'existence.

Nous fuyons. Pour la première fois, une autre perspective que les rues désertes de la ville fossile s'ouvre devant moi. Là-bas, ce n'est plus ma maison. J'ai trouvé une voiture, et des bidons d'essence, et le vent sur ma paume qui promet le changement. Je dois perpétuellement arracher les émotions qui pénètrent mon corps. La route chante, et j'hume l'air. Adieu. L'enfant a bien attaché sa ceinture. Nous partons pour le Couchant.

Si l'on pouvait se percher sur le rebord des cieux, on verrait sur la Terre une grande stupeur. Pour ceux qui l'ont connu, le monde d'avant est parti. L'étoile de cette planète, le dieu de ce jardin, ne marche plus. Le char flamboyant, la barque bienfaitrice, le buveur du sang des hommes et la source de toute vie a interrompu son cycle. Une seule face du monde reçoit son énergie, fléau de lumière; l'autre gèle doucement d'une nuit figée. La vie ne sait que faire; l'harmonie est compromise. Les lignes des flux changent, et les éléments mêmes se confondent de nouveau: les nuages nimbent toujours plus nombreux l'atmosphère, offrant un répit. L'extinction est proche, c'est certain; mais toute métamorphose n'est pas fatale, et les extrêmes se rejoignent.

Il doit avoir cinq ans. Je le prends dans mes bras autant que j'en ai l'occasion. Il n'a pas l'air de comprendre autre chose que le fait qu'il a tout perdu: je n'ai même pas pu lui mentir. Ses cheveux se collent en paquets cireux. J'évite les cités: à bien y repenser, je ne fais pas tellement confiance à ceux qui pourraient y survivre. Tu es un monstre. Non! C'est déjà un miracle que nous vivions encore. Je ne dois pas nous mettre en danger. Et les autres, sont, un danger. J'inspire profondément. L'Asie est donc si grande? Sur les quelques cadrans qui ne sont pas brisés, l'heure est invariable: treize. Nous devons continuer, coûte que coûte. Le coffre est plein de bouteilles en plastique, remplies d'eau ou d'essence. Nous avançons en siphonnant les carcasses des véhicules qui jonchent la voie. J'aime bien dire “nous”. La Chine s'étend à perte de vue sous l'orbe du Soleil.

Le cœur de la femme du bus fleurit. Devant elle, entre ses mains noires pleines d'une terre choyée, une pousse. Son regard est constellé. Elle rempote la plante et la replace dans sa rangée. La cultivatrice se relève; ses mouvements resplendissent de détermination. Elle portera ses fruits. C'est le début.

Le voyage s'étire. Maux de tête. Nous chantons contre l'horreur qui susurre ses menaces. Nous avons croisé une forêt effeuillée. L'ombre est notre nouveau foyer. La voiture est couverte d'aluminium. Au loin, j'ai cru apercevoir une vague forme blanche. Je souhaite ne pas m'être trompé, l'espoir me tiraille le ventre. Je ne conduis plus avec autant d'attention. Je me suis rendu compte: la chance cessera de durer. Est-ce que ça aurait été plus facile de mourir là-derrière? Oui. Le temps ne se mesure plus. J'ai réfléchi: si un havre existe, il est au bord de la journée et de la nuit. Mais nous sommes tellement petits, et si lents. Il est midi.

Sur le toit, une humaine fixe l'espace. Elle est enveloppée de couvertures aux odeurs toutes différentes. Le nouveau zéphyr souffle encore et toujours le froid nocturne de la Face Cachée. Elle fredonne. Les radiations peignent en l'air des rubans verts. Ca va aller. Ni demain, ni hier, n'existent. Seuls la lueur haïssable et ses cheveux rêches qui rentrent dans sa bouche sont réels. Un choix préoccupe: sont-ils en aube ou crépuscule? Dichotomie. Elle sait que c'est la Dämmerung. Et peu importe si l'Homme reste.

Nous en avons rencontrés d'autres. Ca a été un choc. Tout ce temps sans personne qu'un enfant m'a abruti. Nous sommes des sauvages. Ils campaient sur le chemin. Je n'ai pas fait demi-tour. Ils sont cinq bienveillants. Une m'a donné des feuilles, que je mâche le regard perdu. Je n'arrête pas de gémir des remerciements. Je pue l'essence. Mon fils, ou mon frère? ne veut pas se séparer de moi, ni moi de lui. Il m'aime? Je ne veux plus souffrir. Les hôtes ont un véhicule à énergie solaire. Quelle ironie... Mes plaies sont béantes. Je ne sais pas si je guérirai.

L'obélisque à la pointe d'or a été abattu. Ca allait arriver, tôt ou tard. Elle sourit. La rancœur de l'humanité est partagée par tous; mais la bile finit toujours par se diluer dans le lait. Le sanctuaire s'agrandit, lune après lune. La terre est sans cesse retournée de dizaines de mains attentionnées. La vapeur des cuisines s'échappe des toits de terre. Dans sa main gauche, la femme tient un éclat d'ivoire et une opale polie; et dans sa main droite, un fruit.

De Phoebe et d'Aurore, d'opaline et d'Ivoire, Le chagrin des deux sœurs du matin et du soir Nimbe les horizons d'une étrange vapeur. La déesse aux doigts roses! Recherche le bonheur.

 
Lire la suite...

from Luc L.M.

Il sortit comme un automate. Il prit l’escalier au hasard, rata une marche et dégringola jusqu’en bas sur le dos sans rien sentir. Aïe quand même. Il a mal à la tête et il ne voit rien, il entend juste le vacarme et le cri du métro qui part. C’est assez confortable, par terre, en fait. Et puis il est trop triste pour continuer. Oui, trop triste.

« Ouh-ouh, crevette ? Ça va ? Tu t’es fait mal ? »

La voix grésille à travers le chaos spatial qui isole le petit. Il a mal un peu partout. La fraîcheur à sa tempe vient de l’humidité, comme si le béton s’était amolli en une pâte minérale. Il peut sentir les squelettes sous terre, qui tendent leurs doigts vers lui, prêts à l’embrasser. Viens te reposer, chantent-ils silencieusement. Une main douce, comme du velours, ou comme du beurre, lui caresse la joue. Elle sent le rayon gâteaux. De ses bagues, une seule est en métal… L’enfant se tourne légèrement ; soudain la pesanteur pince la peau de sa hanche entre le sol et l’os. Leur premier regard fut très surpris, très franc, et très perdu.

A la gare, quelque part dans la nuit froide, un chocolat sur le comptoir diffuse sa chaleur sucrée dans la main d’un petit garçon. Il a la bouche bée de la même façon que ses yeux sont ouverts : sans trop y penser, comme la neige tombe. Derrière ses lèvres et ses paupières brille, à peine découvert, un éclat perlé. La femme à son côté l’observe avec un calme inquiet. Ils sont liés par le long silence. Un train passe.

« Ton dos te fait encore mal ? Kilian ? – Ça va, je crois. – C’est bien. Tu devrais avoir quelques hématomes, tu sais, mais rien de grave, ça part avec un peu de pommade. Ça a dû être une belle chute ! – Oui. »

Il a la voix aussi petite qu’une souris. Maïté en sourit de pitié. Quel scandale qu’aucun passant ne se soit arrêté avant elle pour l’aider ! Il doit avoir dix ans. L’air triste qu’elle lit sur ses traits la frappe. D’ordinaire, elle n’aime pourtant pas particulièrement les enfants. Quel malheur ?… Il lui semble qu’elle le connaît. Elle n’a pas eu une enfance heureuse non plus ; elle ne tolére pas qu’on fasse du mal à ses cadets.

« Allez, bois, ça doit avoir refroidi maintenant. »

Le foulard en soie de la dame qui sent le karité ; la doudoune marron rapiécée ; le chocolat chaud. Il se sent enveloppé par un manteau qui veut le soustraire à l’air vif de l’hiver dehors, à la lumière agressive de la machine à boissons, à l’odeur de produit nettoyant qui emplit toute la gare. Le tabouret gigantesque le fait flotter loin du sol, sans vertige. La madame n’est pas comme sa mère du tout. Kilian repense à tout ce qu’elle lui a dit et il a envie de pleurer tellement fort qu’il grimace. Il boit. Le temps passe avec les courants d’air. Maïté pose la tête dans sa main. L’attente est douloureuse. La gare est presque déserte à présent. Un adolescent encapuchonné, presque une ombre, passe au loin. Un néon grésille comme elle bat de ses paupières bien fardées. Elle ne se souvient pas de la dernière fois qu’elle a passé autant de temps à ne rien faire. Devant la photocopieuse, peut-être. Au travail sans doute. Le gamin a l’air de s’être endormi, la tête entre les bras croisés. Un élan d’affection sincère lui fait tendre la main pour peigner ses cheveux hérissé, mais il l’a vue dans son demi-sommeil et son œil affolé surgit dans sa figure. Il sursaute. Maïté est désolée ; soupire. Ses parents ne lui ont jamais appris leur numéro de toute façon. Kilian voit plus clair maintenant. Il admire la dame. La première chose que son père dit en voyant une femme, c’est toujours si elle a la trentaine ou la quarantaine. Lui, il ne sait pas trop ce que ça veut dire. Il s’en fiche. Il trouve que Maïté est très stylée. Il n’a pas voulu lui dire ce qu’il s’était passé, et elle n’a pas le cœur de le lui arracher. Il est tard. L’éternité est interrompue par la lumière d’un phare. Serait-ce ? …

Maïté regarde la voiture qui clignote sous les lampadaires en s’éloignant. Un grand silence, plus doux qu’aucune musique, descend dans la rue que le souffle du vent n’animera jamais. Sa poitrine est écrasée par tout le poids du monde mais sa figure est neutre. Ils ne lui ont pas laissé une bonne impression. Quelques paroles méchamment brèves. Ils l’ont pris. Sous quelques étoiles vernies d’émail cette nuit, Maïté a le cœur au bord des lèvres.

 
Lire la suite...

from Angèle Lewis

Eco-résurrection

Atmosphère à peine pluvieuse Atmosphère vaporeuse L'orage Tient l'arrosage En laisse Un monstre sombre Se balade en l'air Et moi entre les tombes Comme dans un grand jardin

Je n'entends rien Que les oiseaux L'herbe qui pousse Vert fluo

Tout est vif Et lent Les morts se reposent Les corps se décomposent Verticalement En tiges

Ici La terre respire comme un yogi Les arbres immenses se déplient Dans une séance de Taï Chi

Je croise une stèle Gravée Madame et Mademoiselle Et je les imagine Amantes sous le tombeau Dormant dans le tréfonds d'un amour qui éclos

Là Où la lumière pleut Je guette les métamorphoses Du bout des yeux

Je marche par-dessus La terre qui ressuscite Echos de cimetière Silence des pierres Imaginaire Sans limite

 
Lire la suite...

from Quelques textes un peu trop longs pour mastodon

Le temps des enseignants-chercheurs vu sous l'angle de l'ordonnancement temps-réel

Comment passe notre temps ? Nous sommes toujours “sous l'eau cette semaine, mais la semaine prochaine ça ira mieux”. Que faisons-nous toute la journée pour être tellement conscients du temps qui passe trop vite et qui n'est pas rempli des activités que nous aimerions y mettre ?

C'est quoi votre travail ? que faites-vous toute la journée ?

Quand nous enseignants-chercheurs essayons d'expliquer à notre famille, à des amis, à des partenaires des entreprises ou à nos propres étudiants de quoi sont faites nos journées professionnelles, il y a toujours une incompréhension dans l'oeil de l'interlocuteur qui donne envie de proposer vraiment un exercice vis ma vie de....

Un des aspects les plus importants me semble être la variété des activités. On peut dans la même journée pratiquer 4 ou 5 des activités suivantes (et souvent tout l'ensemble en un ou deux mois) : – Faire un cours très technique, pour lequel il faut être concentré sur le sujet, le discours, les réponses aux questions ; – Répondre à des mails d'étudiants – Participer à une formation professionnelle (rare) – Participer à une réunion de lecture, discussion et classement de dossiers de collègues à recruter ou promouvoir ; – Programmer (pour les informaticiens et les membres de certaines autres disciplines) – Passer 1h à faire des mails, chercher une salle, préparer un sondage de dates pour une équipe X dans le contexte enseignement ou recherche ; – Travailler 1h ou 2 devant un tableau avec un doctorant ou quelques collègues ; – Rédiger ou relire une section d'un article ; – Lire des dossiers d'étudiants à recruter, classer, interviewer, ... – Préparer un cours ou un sujet d'examen, corriger des copies et remplir des tableaux de notes ; – Participer à un jury, une réunion pédagogique, une réflexion de refonte de maquettes – Réfléchir, lire, gribouiller des synthèses, et recommencer – Répondre à des mails de sollicitation pour participer à des comités de recrutement ou autre tâche administrative ; – Orienter des étudiants – Assister à un séminaire recherche bien pointu ; – Lutter avec les outils des différentes tutelles du labo pour réserver soi-même un hôtel et un moyen de transport – Préparer une revue de projet ou une réunion de lancement de projet ; – Remplir les tableaux excel de la soumission à un appel à projet ; – Lire son mail, lire son mail, lire son mail, ... et depuis le COVID : vérifier les 2 ou 3 salons de chat auxquels on est abonné – ... j'en oublie sûrement ...

Le deuxième aspect extrêmement important, c'est que l'organisation du temps pour réaliser toutes ces tâches dans les délais impartis nous incombe presqu'entièrement. Personne n'a d'assistant.e pour tenir son agenda, sauf cas de charge lourde genre direction de structure. Dans la liste ci-dessus, seules les heures devant les étudiants sont imposées de l'extérieur et connues relativement longtemps à l'avance. Il s'en déduit des heures de préparation à placer avant, et des heures de correction à placer après (et avant les jurys), mais la manière de gérer son temps est ensuite tout à fait personnelle. Certains placent toutes les activités pénibles le même jour pour avoir l'esprit libre les autres jours, d'autres les dispersent pour les rendre plus supportables par dilution. Certains préparent leur agenda personnel longtemps à l'avance et essaient de s'y tenir, d'autres remplissent les journées selon ce qui vient, en flux tendu. Certains ont une “todo-list” plus ou moins artisanale où ils notent absolument tout pour s'en libérer l'esprit, d'autres se fient à leur mémoire ou ont pris le parti de rater quelques rendez-vous. Certains sont toujours à l'heure, d'autres systématiquement en retard... toutes les stratégies imaginables ont été essayées par quelqu'un quelque part, un jour.

Le dernier aspect du métier, qui est parfois désespérément énervant, c'est que les tâches récurrentes liées à la structure d'une année universitaire, dont on pourrait penser qu'elles sont aussi réglées que du papier à musique, doivent quand même être ordonnancées dynamiquement et dans l'urgence pour cause de manque de personnes qui devraient être chargées de cette planification en amont. Ces tâches sporadiques — au sens de l'ordonnancement temps-réel — qui ne devraient pas l'être s'ajoutent aux tâches réellement sporadiques. Il y en a en effet quelques-unes qui le sont vraiment, par exemple déménager le personnel d'un laboratoire dont le plafond s'est effondré, essayer de faire quelque chose pour un.e étudiant.e ou un.e collègue qui ne va vraiment pas bien, organiser la visite d'un ministre toutes affaires cessantes, se mettre en ordre de marche pour répondre à un appel à projet qu'on ne peut vraiment pas laisser passer. Quoique... ces deux derniers exemples illustrent bien l'agitation perpétuelle du milieu de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui semble capable d'une production illimitée de tâches sporadiques variées et inattendues. On en vient même à penser que le bombardement continu de ces tâches sporadiques fait partie intégrante de l'idéologie du management de l'enseignement supérieur et de la recherche.

De l'effet pervers des outils numériques sur l'organisation du temps

Quand j'ai pris mon poste de professeure au début du siècle (littéralement, c'était en septembre 2000), mon emploi du temps du semestre tenait sur un bristol glissé dans mon agenda papier format A6, il était parfaitement régulier pendant les 12 semaines d'un semestre. Et je le connaissais évidemment par coeur dès la première semaine. L'agenda me servait à noter — au stylo non effaçable — les déplacements de 1 à plusieurs jours, et les réunions exceptionnelles. Aujourd'hui sans emploi du temps partagé en ligne et synchronisé avec mon téléphone, j'aurais du mal à savoir le matin en me levant où je dois aller dans la journée, pour rencontrer qui, et sur quel sujet.

La puissance des outils numériques avec synchronisation quasi-instantanée entre participants pousse à remplir les moindres coins “libres” des journées. On se retrouve à faire 5 ou 6 activités vraiment différentes dans la même journée, sans pause. Quand il fallait plusieurs jours pour stabiliser un créneau de réunion, c'était nécessairement assez loin dans le futur, le remplissage de l'emploi du temps de chacun n'était pas parfait, et il restait des “trous”.

Nos employeurs nous proposent régulièrement des formations gérer son temps et ses priorités. En tant qu'enseignante-chercheuse en informatique, familière du domaine des systèmes d'exploitation et des systèmes dits temps-réel, j'interprète évidemment ces questions de gestion du temps et des priorités comme un problème d'ordonnancement temps-réel de tâches de durées variées et aux échéances plus ou moins proches. Le saucissonnage des activités rappelle que travailler en temps trop hâché n'est pas efficace, toute personne ayant un jour regardé le surcoût des changements de contexte entre processus dans un système d'exploitation vous le dira. L'analogie va assez loin : quand vous passez du travail de recherche au tableau avec un étudiant, à une activité bureaucratique et urgente de remplissage de tableau excel, il vous faut en quelque sorte sauvegarder l'état de la discussion, vider vos registres mentaux de ces préoccupations scientifiques, mettre de côté les questions qui restent en suspens, vous mettre dans l'état d'esprit nécessaire à l'activité bureaucratique, et recharger dans votre mémoire les épisodes précédents de la dite activité (ce qui veut souvent dire fouiller ses mails ou ses fichiers sauvegardés pour retrouver la question à laquelle est censé répondre ce nième remplissage de tableau excel). Les schémas toujours présents sur le tableau sont là pour vous aider à revenir plus facilement aux questions de recherche plus tard, raison pour laquelles les tableaux blancs disponibles dans des espaces partagés sont en général décorés de messages “NE PAS EFFACER !!!” plus ou moins colorés et péremptoires, selon l'urgence de l'interruption excelliforme qui nous les a fait abandonner.

J'ai assisté moi-même à une formation de gestion du temps et des priorités. Ce que j'en ai tiré va beaucoup moins loin que le premier chapitre d'un ouvrage de base sur l'ordonnancement temps-réel. On en ressort avec un principe qui mêle l'algorithme EDF, pour Earliest-Deadline-First et quelques bricolages du genre s'il reste des trous, en profiter pour dépiler quelques réponses pas trop longues par mail. Pourtant si dans les algorithmes d'ordonnancement temps-réel on chasse les trous pour augmenter l'occupation utile du “processeur”, dans la vie professionnelle ces “trous” sont en fait indispensables. Mon algorithme personnel consiste à respecter les échéances (j'ai une horreur maladive d'être en retard) tout en ménageant des plages de temps suffisamment longues où je peux réfléchir. La difficulté majeure n'est pas tant de trouver du temps, que de trouver du temps pendant lequel on a l'esprit à peu près libre.

De l'absurdité des outils numériques sur la mesure du temps

L'organisation par projets de nos activités de recherche (et maintenant aussi d'enseignement) s'accompagne du remplissage de feuilles de temps. Qu'est-ce que c'est encore ? Vous voyez l'avocat d'affaire dans les films américains qui tient dans la main un bidule à cliquet pour décompter précisément les minutes à facturer à chaque client ? Eh bien c'est ça, transposé dans le monde de l'enseignement supérieur et de la recherche, sous prétexte que nos financeurs doivent en avoir pour leur argent de manière vérifiable ! Nous sommes donc censés remplir au jour le jour un genre de tableau excel en ligne où chacun note combien de temps il a passé sur un projet. La granularité varie de la journée à la ½ journée. Tout cela est validé par le chef de projet, puis par le directeur de structure. C'est ensuite revếtu de diverses signatures et soigneusement archivé, à ressortir en cas d'audit par le financeur. Il faut que le tableau complet, pour les 3 ou 4 ans du projet, soit conforme au tableau initial du dépôt de projet, au vu duquel on a obtenu le financement. Il faut aussi éviter de déclarer des ½ journées de travail un jour férié ou un jour de vacances, ou un jour où on était en fait en cours. Mais si vous papotez 10mn avec un collègue en le croisant sur le campus entre le bâtiment recherche et le bâtiment enseignement, si vous réglez une question importante en buvant le café, si vous réfléchissez la nuit à un problème de recherche qui vous a occupé.e toute la journée, faut-il immédiatement noter tout cela sur votre feuille de temps ?

Quelques éléments d'appréciation chiffrés

Pour satisfaire les amateurs de chiffres précis, mais sans prétention à l'étude statistique, voilà quelques éléments de ma vie professionnelle, à comparer avec vos pratiques :

  • Entre 15 et 20000 mails professionnels par an (hors spam, bien sûr). Pour 1607h de travail effectif théoriquement. Mais même en prenant une hypothèse basse de 10000 mails pour une hypothèse plus réaliste de temps de travail de 2000h par an, il reste à traiter 5 mails à l'heure. 1 mail toutes les 12mn si l'on ne fait que ça. Comment cela est-il même possible ? Simplement en laissant filer certains messages sans réaction. Il faut reconnaître que, plus on avance en carrière, et plus c'est facile. La quantité de messages par lesquels quelqu'un sollicite notre attention — et donc reviendra à la charge si c'est vraiment important — excède la quantité de messages auxquels on doit absolument répondre.

  • Environ 4 sondages evento (la version pro de doodle) ouverts en permanence avec des groupes de taille variable, de contextes différents, et qui se chevauchent évidemment. Plus quelques autres planifications de réunions en cours, avec des collègues qui fonctionnent plutôt par mail pour ça. Il arrive un moment où l'on passe plus de temps à ordonnancer nos activités qu'à travailler vraiment. Tout chercheur du domaine de l'ordonnancement temps-réel sait que c'est parfaitement idiot. Là encore, quand doodle est arrivé en 2006, toute personne sensée qui planifiait des réunions en cochant des cases sur un papier d'après les réponses de ses collègues à une proposition de réunion envoyée par mail (en essayant de ne pas se tromper entre les collègues qui donnent leurs disponibilités, ceux qui donnent leurs indisponibilités, et ceux qui hésitent encore), s'est réjouie de l'ergonomie de l'outil. Quel temps gagné, n'est-ce pas ? La réjouissance n'aura pas duré bien longtemps. Il semblerait que le temps ainsi gagné ait été entièrement “consommé”, ou reperdu, par la prolifération des sondages de dates. Effet rebond, quand tu nous tiens... Et comme il devenait difficile de ne pas promettre sa présence à deux endroits en même temps, les outils se sont adaptés pour montrer les conflits. Le choix “peut-être” est apparu en plus de “oui” et “non”, pour représenter des contraintes “molles” et indiquer qu'on veut bien subir un peu de pression pour se rendre disponible si c'est vraiment le seul choix possible. Sans ces contraintes molles, pas de comité de sélection. Quelle personne un tant soi peu impliquée dans l'organisation des activités de son équipe/labo/contexte d'enseignement pourrait aujourd'hui se passer de ces outils de planification en ligne ?

Stratégies de réappropriation du temps

Alors que se passe-t-il dans notre métier ? Si tout ne s'est pas encore effondré, c'est que chacun met en place, avec plus ou moins de succès selon la liberté qu'il a au stade de sa carrière, des stratégies personnelles de réappropriation du temps. C'est parfois inconscient. Essayez de demander à vos collègues proches comment ils construisent l'emploi du temps du mois suivant.

Déconnexion partielle

La première action, relativement simple, consiste à supprimer toutes les notifications (de mails entrants, de messages dans les salons de chat, de réunions à venir, ...). Personnellement j'ai même pris le parti de fermer complètement la fenêtre du mail quand je veux vraiment me consacrer à une activité. J'emporte de moins en moins souvent mon ordinateur portable dans les réunions, je prends des notes dans un carnet. Cela supprime efficacement certains symptômes.

Planifier des blocs inviolables

Une autre stratégie consiste à remplir son agenda d'un nombre raisonnable de blocs inviolables par semaine. Par exemple 4 fois 2h. Et on n'y touche plus, quoi qu'il arrive (à part le déménagement à cause du plafond qui s'effondre). Parfois le reste de la semaine est plein à craquer et ces blocs inviolables se retrouvent n'être que des temps de respiration. Mais parfois la stratégie a permis de refuser un remplissage excessif, et ces trous sont effectivement des temps de réflexion.

De l'espace comme ralentisseur naturel

Avant le COVID je rouspétais un peu d'avoir cours le matin ici, et l'après-midi ailleurs, à 30mn de vélo ou de tram. Pendant le COVID je rêvais de ces trajets à vélo, le nez au vent, l'esprit qui vagabonde. Et maintenant je les recherche délibérément, comme tampons entre activités différentes. L'efficacité terrible des changements de réunions en 2 clics, collés à nos écrans toute la journée, nous a quand même un peu vaccinés contre les journées totalement pleines. J'ai développé une stratégie d'ordonnancement qui accorde de la valeur aux “trous” mentionnés plus haut.

De la rencontre “en vrai” comme mesure de la quantité de travail faisable en groupes

J'ai déjà avancé l'idée plusieurs fois qu'on devrait essayer une solution radicale : plus de mails, mais une réunion physique de 2h tous les 15 jours, vissée en dur dans l'agenda pour toute la durée de l'activité, en commun avec toutes les personnes concernées par un sujet. On se voit, on traite tout ce qui peut être traité dans ce temps, et pas plus. Bien sûr chacun d'entre nous appartient à plusieurs groupes qui devraient travailler comme ça, et chacun a un ordre de priorités tout à fait personnel entre les différents groupes dans lesquels il est engagé. Mais c'est justement l'intérêt de la proposition : la possibilité de réserver des créneaux fixes pour toutes ces activités est une juste mesure de la quantité d'activités diverses dans lesquels il est raisonnable de s'engager, et la durée des créneaux est une mesure de la quantité de travail qu'on peut espérer.

Prétendre qu'une organisation plus flexible ou agile est meilleure, c'est croire qu'on fera mieux ou plus en devant ajouter à tout ce travail qu'on a promis la tâche d'ordonnancement dynamique. Et finir par passer un temps déraisonnable à cette tâche d'ordonnancement, en étant frustré de faire mal tout le reste du travail.

Il est (toujours) urgent de ralentir

Mais lutter vraiment contre l'atomisation du temps qui épuise, nous rend parfois quasiment bête et en tout cas très inefficace, exige d'aller plus loin. Il nous faut prendre conscience de l'effet grisant de ces journées pleines à craquer où on a le sentiment d'être superman ou superwoman sans s'avouer que c'est épuisant, où chaque mail d'invitation (même si c'est à un comité théodule où l'on sait qu'on passera beaucoup de temps) sonne comme une reconnaissance de sa position dans le système, où l'on est trop tentés par des sollicitations de travail en commun sur un cours ou un sujet de recherche pour refuser alors que la barque est déjà trop pleine. Il nous faut admettre que la fuite en avant perpétuelle vers de nouveaux projets à construire nous attire parfois plus que le fait de simplement faire le travail promis dans le montage de projet précédent.

Encore une fois, le diagnostic est le même : il est urgent de ralentir.

 
Read more...

from asdiopbnm13

Giocare a Blackjack Online: Consigli, Trucchi e Vantaggi

Il blackjack è un gioco di carte popolare che si gioca in tutto il mondo. Ora, grazie alla tecnologia, puoi giocare a questo gioco senza dover andare in un casinò fisico. Giocare a blackjack online è diventato un'opzione sempre più popolare per coloro che amano il gioco e per coloro che vogliono divertirsi a giocare da casa propria. In questo articolo, esploreremo alcuni dei vantaggi di giocare blackjack online e forniremo alcuni consigli e trucchi per giocare al meglio.

I vantaggi di giocare a Blackjack Online

Giocare a blackjack online offre molti vantaggi rispetto a giocare in un casinò fisico. Innanzitutto, puoi giocare da qualsiasi luogo, a qualsiasi ora. Non devi preoccuparti di dover andare in un casinò, trovare un parcheggio o aspettare il tuo turno per giocare. Inoltre, puoi accedere a una vasta gamma di varianti di blackjack, alcune delle quali non sono disponibili nei casinò fisici.

Un altro vantaggio di giocare a blackjack online è che puoi giocare in modo più strategico. Puoi tenere un registro delle carte che sono già state giocate e utilizzare questa informazione per prendere decisioni più informate. Inoltre, molti casinò online offrono bonus e promozioni che non sono disponibili nei casinò fisici. Questi bonus possono aiutarti ad aumentare il tuo bankroll e a giocare più a lungo.

Consigli per giocare a Blackjack Online

Ci sono alcune cose da tenere a mente quando si gioca a blackjack online. In primo luogo, è importante trovare un casinò online affidabile e sicuro. Ci sono molte opzioni disponibili, quindi è importante fare la ricerca e trovare un casinò che abbia una buona reputazione e che utilizzi software sicuro.

In secondo luogo, è importante sapere quando chiedere una carta e quando stare. Ci sono molte strategie di blackjack disponibili, quindi è importante trovare quella che funziona meglio per te e seguirla. In generale, è una buona idea stare quando hai una mano forte e chiedere una carta quando hai una mano debole.

Trucchi per giocare a Blackjack Online

Ci sono alcuni trucchi che puoi utilizzare per aumentare le tue possibilità di vincere quando giochi a blackjack online. Uno di questi trucchi è di sfruttare i bonus e le promozioni offerti dai casinò online. Questi bonus possono aiutarti ad aumentare il tuo bankroll e a giocare più a lungo.

In secondo luogo, è importante tenere traccia delle carte che sono già state giocate. Questo ti aiuterà a prendere decisioni più informate sulle carte che dovresti chiedere e sulle carte che dovresti tenere. In generale, le carte alte (10, jack, queen, king) sono buone per il giocatore, mentre le carte basse (2-6) sono buone per il banco.

 
Читать дальше...

from Tanies

This is a post that may grow over time ; it's roughly translated from french to english (thanks, DeepL revisited !) I would be glad if you helped me improve that.


Untie the knots, delicately, and tie them again immediately afterwards. Be very careful not to get anything tangled up. Weave new ties, when possible, slowly, with great care.

The first time... They don't really remember. Somewhere, far back in childhood, a sudden change of environment, a shift in perspective – it was no longer the same angle of view, a change in feeling – was it really the same colours? A feeling of being warmer. A different smell, too. Slightly different sounds (the music playing in the background did not have the same effect, did not give the same kind of emotion). Anxiety about disturbing something, about being caught. Coming back to oneself suddenly, not being able to leave again.

No doubt this first “memory” is that of the first awareness of a differentiation.

The fire crackles in the fireplace, the room smells of morning coffee. The cat is stretching. S/he has simple thoughts, the world is calmer through her/is spectrum.

They delight in it.


To allow oneself to be penetrated by the Other as one penetrates them – to allow the Other to imbibe oneself as one is imbibed by the Other. To become two beings at once, and in so doing, to lose part of one's individuality in order to accept that of the Other. To end up defining the Other as a knot that has not yet been joined. Becoming multiple as connections are made. No longer knowing who – or what – is speaking.


Bodies as filters, each filter producing another version, sometimes slightly, sometimes radically – at the root.


First contact with a tree – diffuse impression of an augmented body, both omnipresent and blind – feeling the world through the roots, the bark, the leaves, not being able to situate oneself precisely within this whole. No longer knowing exactly where the “self” ends, where the Other begins. Web of root connections, mycorrhizal network – Being able to feel things over miles.


We always think we think for ourselves but we are thought more than we think.

Just as it is not usually the conscious “I” that activates the muscles to walk or breathe, it is rare to think perfectly consciously. By controlling what we think. By wanting to think it.

So many thoughts are constantly running through us. It takes concentration to follow the thread of a thought to the end – and that's what language is for: to fix the thought with words. To force it, through speech or writing, to follow its course; to catch it up and direct it if necessary; to force it to follow a well-defined path instead of going off in all directions or to abort after a few seconds.

Images can also fix things – it is a more horizontal, spatial type of thinking. Music on the other hand is completely temporal. Thinking only in images or in music requires some training. Forcing oneself to think in a foreign language allows one to better grasp the flow of words that are formed without prior conscious intention.

Each thought has its own tone – in the foreground, the voice that will read the texts in our head or try to appropriate the dominant thought; in a lower tone, the rambling, annoying, the one that repeats itself – same tune or same thoughts – without willing to be silenced; lower still, the thoughts that we let wander without paying attention, like in dreams – or like background music. Thinking with the voice of another person is also possible – this is how dialogues are created, more or less consciously – one embodies successively the Other and oneself – at least the Other that one has forged internally and which is ultimately only another self.

We rarely take the time to listen to our thoughts.

With age it becomes less and less clear, less and less stable. Like a dream that we forget as we go along. As if one disappears little by little from oneself and only the empty shell remains – an automaton that thinks without thinking anymore.


Amine caresses the white surface that extends under their fingers. Concentration. To feel the Other circulating in the network, to manage to project oneself into it in order to transmit and receive, to integrate oneself into the network that interconnects with the roots of the trees. Others do this with birds, others with insects, it is more hazardous because it has no predefined direction, it all depends on the message – point to point or broad spectrum, to warn a particular community or as many people as possible, local or global diffusion – transatlantic or transpacific connections use marine currents and the beings that follow them – fishes, turtles, jellyfishes...

Reading – that is to say the art of receiving and understanding messages – is acquired over time and with sensitivity, it is not given to everyone and each person has their preferences, their particular gifts, their affinities with such or such species.

For Amine, it is the mushrooms, and even then, only certain species. They like to immerse themselves in their world, to listen to them live their lives, both discreet and intense.


— Sit down there.

She indicates me a cushion on the ground, I settle there as well as possible, hesitating between stretching my legs and sitting cross-legged. She places herself at a small meter of me, on a cushion, resolutely cross-legged. I decide to imitate her.

— Why are you here?

Her question confuses me – she knows why – she asked me – to try.

— I...

She laughs slightly.

— No need to repeat. My question was about “here”.

— Why am I here and not somewhere else?

— That's it. You might as well say it directly, it's easier for both of us.

I try to think.

— It's not easy for you, but it's not easy for me either. Pretend I'm not here. Thinking is like talking.

She looks at me for a moment with her big, pale gray eyes, then continues quietly.

— Most of the time, we receive information without articulating it clearly — the draft on our necks, the sunlight through the curtain, the smell of the pines, the roll of the ocean in the distance... You see, I just articulated them but before, they were wordless in your head. If you were multilingual, you wouldn't know in which language you thought them – because you didn't really think them, not yet, in any language. More to the point, it wasn't you – as a conscious entity – who was thinking them. Thinking requires an effort, like speaking. Except that it is more diffuse, it goes more easily in all directions. Articulating one's thoughts forces a certain logic – in general!

She bursts into a frank laugh. Then she gets serious again. It's true that I'm not thinking about anything right now. Rather, I thought of nothing before formulating that I thought of nothing.

— So, where do you place this “here”?

— ...

— We agree that you think yourself to be in front of me, “in” your body. But where, more precisely?

— Ah. In my head... Somewhere behind the eyes... Maybe slightly above and behind. In my brain... Just like everyone else.

— How would you know?

— What do you mean?

— That it's “like everyone else”?

— ...

— Would you be able to locate yourself somewhere else? For example, in your stomach?

I would have to close my eyes... To concentrate...

— Try it.

Black. I can still feel my lips in front of me, my shoulders below. I try to “go down” – in vain.

— I can't do it. Too many things, too many touches, sounds, remind me of where I really am.

— Really? How would you be more in your head than elsewhere?

— It's where my “I” think, in my brain.

I am there. It's warm, it gurgles a little. It thinks very lightly – it's always fun to listen to what a gut says.

— Teach me.

— Why?

Because I want to change, I want to understand, I want to help.

— How did you learn about us?

Why is she asking me that question. She knows perfectly well.

— Camille...

— It's still very confusing right now. What drives you to seek that kind of power.

Power? I would have said knowledge. I had to leave all my gear at home and enter the area naked. The hardest part was the implants. Somewhere along the line, I already jumped. It is still not clear if there is anything more than emptiness on the other side. If Camille still exists, somewhere, on the other side.

She stares at me again.

— It's all about empathy. And relaxation. Each person is like a knot. A little ball tightened around their ego. It takes a lot of confidence to loosen that.

Forget about fear. Dive in without questioning.

Her voice in my head makes me jump. It's powerful, it doesn't have the same tone as the voice I'm used to.

— There's a connection between you two, even if it's too diffuse for you to notice. That's a good sign.

— Good sign for what?

— It shows that you've accepted it in yourself.

I prefer not to answer. Not out loud.

— Let's try an exercise. Will you accept me in you ?

She's already reading my mind and didn't ask my permission, what more does she want...

— Would you share my thoughts.

Oh, the other way around, then.

She bursts out laughing.

— Always this need to determine who is doing it and who is being done. Who gives and who takes. Individuation creates meaning – and direction. To connect is to release some of that process. Who takes who? That's the question. Ready?

—...

The color is different. The smells. The thoughts have a different sound, it is not “my” voice. I have trouble situating myself until I realize that the person in front of me is no longer her, but me. It took me a few fractions of a second to recognize myself. Panic. Who takes care of my body if I'm not in it anymore?

She laughs again. I laugh. I feel my jaw muscles twitch, the sound in my throat – it's not quite the same sound as before, it doesn't sound the same.

You're still “here”. I'm just passing on to you what I perceive. You haven't moved.

His internal voice also has a different tone.

— It's great...

My mouth opened and said those words, I'm staring a bit, as if in a trance. I'm still in front. I feel like I'm in front. And the sound of my voice...

Blurry. I find myself back in “my” own head, but not really knowing who this “me” is anymore.

— Not everyone can do this. You may never know how to do this. Everyone has their own way of doing it, of connecting. I can help you find out what works best for you.

— Was this a test?

— Among others.

— Why take so many precautions?

— There have been mistakes before.

— I don't understand. You get into people's heads, it should be easy to see, if some people don't “fit”...

— You don't know yourself how you would react in a given situation. You think you would resist, and in the end you cooperate. Or the other way around. Empathy carries us and it is the only thing that can still save us. But we must be able to accept the pain that goes with it.

— Camille... Camille had that pain in her.

— You have it too. But you confuse it with something else – you don't hear it for what it is – yet. For twenty years, what you thought was a personal discomfort was in fact a collective discomfort. The more we are, the more we will amplify this feeling. We must form a resonance chamber. To make that discomfort unbearable to the greatest number.


Sensation of the wind all around me caressing my body – impression of depth, of omnipotence ; sudden dive towards the ocean – my brain perceived a movement just under the surface, I dive... soft and sliding body in my mouth – beak, rather – I swallow it in some jerks, it is good and refilling, it wiggles still a little... I take back altitude, my feathers have already dried, I start to scan again in the distance, the world is full of life and I overhang it... sun heating my back, I remain a good moment in static flight carried by the marine breeze, readjusting from time to time my position by a stroke of wing. Sudden change of angle, flow of tempting smells, a white point on the horizon which grows at sight – I put the turbo – fish jumps everywhere around me – I would like not to go to risk in there but it is too late – palpable frenzy, many congeners fighting and colliding in the middle of the nets, some are caught – sudden shock, throat taken... I realize the obvious and aim at a mullet that managed to avoid the trawl – I will continue by sea until another predator catches me, I take the opportunity to concentrate and spread the news of the danger around me – fish brains are simpler, I manage to control them better, I still lack training with birds – and that's why I must persist: same player, play again...


All the voices in the world. Literally. Brain open, barriers broken. How to recover the silence.

What we think we see is only a façade. The brain completes as best it can, inventing what it cannot perceive in order to produce something coherent. That seems coherent. Optical illusions are only one consequence among others of this state of affairs. The thought itself is coherent only on the surface. If you put it in writing, no one will receive it in exactly the same way. Will not draw the same consequences. Changing brains allows you to change your point of view. To complete the picture in a way.

But it would be wrong to say that you only change your head. A head without a body is a logical nonsense. A head connected to another body – natural or not – silicone dreams – necessarily thinks differently. What would my thinking be if I were plugged into a tank? A tree? A television tower?


Unlearning the subject. The subjection. To the “I”. To stop thinking as if the “I” were the source of these thoughts when it is only a consequence. What makes my pencil slide across the paper, the sentences that come to me, grow through me – abandon the self, too.

Whose fingers are these? What is belonging? To be part of? What “separates” me from this flower, what is this bee linking to?

The pill rests on the coffee table next to the deckchair. To take it between fingers, to slip it between lips organically connected to a nervous system and to a brain irrigated by a blood network that the chemical composition of the pill will soon come to subtly modify.

The pill is only an aid, a substitute for what this body does not manage yet to realize of itself – as a pair of glasses corrects a defect of vision, except that here it is the vision itself which is called into question, and, through it, the treatment of the affects by the brain. That which makes the center, where “I” think “I” am, behind these eyes.

The glasses are additional filters on this natural filter that are my eyes. Just as this glass and these walls filter the outside – and protect me when it is cold or raining.

Some filters are passive, some are active – like my brain. In the sense that it not only filters but also interprets the physical data it filters. Perhaps we should distinguish the filter from the interpreter.

I realize that I don't have (yet? anymore?) the mental tools to think about that. I left school too late or too early, go figure. Whatever, there is always time to start reflecting again. Like a mirror or a one-way glass. Mirroring oneself in the eye of others. Or the opposite.

Once the pill is swallowed, it becomes easy to move the center, to extend it, to dilute it – to lose it completely, perhaps. Even if nothing moves in truth (if anything of the order of truth exists). Only the perceptions change, by the modification, the attenuation of the filters. The little finger of the left foot becomes for a time the receptacle, the fictitious center of accumulation of a “me” that deflates and leaves any pretension of governance.

A fly lands there, it becomes a vehicle and an interpretative knot before the whole realizes that it neither needs vehicle nor knot anymore...

(What amazing eyes a fly has! And what a strange impression to see oneself – to see what one has become accustomed to calling “one's” body – through that filter!)

I almost “lost” myself. Without a knot, it seems, one returns to the original chaos – well, to the chaos that we imagine was there in the beginning, but perhaps there was never perfect chaos, perhaps in the beginning was the Knot...

(One must be careful to loosen one's knot without untying it completely if one wants to be able to find one's vehicle afterwards – the more “I” release the tension, the more “I” feel the other knots as if they were part of “me”).

What is taking care of “my” body when “I” leave it like this? False question, based on a false problem. “I” don't leave anything at all. There is no movement, there is only a difference in perception. Maybe the only thing that moves is the timeline, and it moves differently when “I” start to loosen the knots. Nothing really moves in space-time, which by definition includes the dimension of time – when “I” try to represent this space-time to myself, it looks like a jelly of which our three-dimensional space would be a cross-section – the only one that our brains manage to visualize, all our organs functioning in this space – except that in order to function, we also need time – and what could it mean to visualize without pretending to extract oneself from that jelly. There is something rotten in the realm of the mind.

The effect of the pill has been absorbed, “I” am back in this narrow body that serves as my vehicle.

Where does the purely bodily end and the “spirit” begin – this “I” who thinks to think – Descartes was fooled by the “I”, he posed as a hypothesis what he wished to obtain as a conclusion.

“I” does not know what that “I” designates. “I” is a composite thing which only controls a tiny part of what constitutes it – what about the intestinal flora, these viruses or bacteria which “colonize” me (long live the colon), what about the air, the coffee, the alcohol, the hormones, the sperm, the shit, the urine, the sweat, the saliva, what about this prosthesis that has become and that I feel like “my” arm (the original arm being no more but still making me feel – by the pain, the tickling or the irritation – as if it still was...) what about these digital prostheses that extend the range of my senses, increase my memory and calculation capacities, sometimes allow me to feel differently... where does the “I” end (and does it even begin) ?

Spatial and temporal limits: coarse barricades for whoever wants to succeed in (self) boxing, naming, classifying.

To soften and melt, to dilate, to fluidify, to diffuse. To refuse the rigidity of the border. I took another pill and with it, the journey.

One day, maybe, “I” will manage to do it without the pill – there are some who know how to – but I didn't have the patience for this learning process and there wasn't time enough – anyway the pill is already me, in me, we form a continuum in space-time except that space is no longer really space and time is no longer really time – displacement without movement I is everything and nothing at the same time, yet another of these dualities-binarities that our species is so fond of – black-white, yin-yang, shadow-light, wave-particle, male-female.

The Earth is an accumulation of knots, some so rigid that they seem petrified – and others as fluid as the wind.

Everything is a knot and the catastrophe is all the more obvious. The Earth is a ball of nerves ready to explode, waves still partially contained pulsate and gain in power – cascading denouements.

Dying is only a particular denouement, a knot is erased and solved, and this (being?) done, forms new resonances – the particle splits or is absorbed but the wave continues its way.

Can the cry of a child be resorbed in a wave packet? (Dostoyevsky greets de Broglie – a woman walks in the shade, child or not – that's not in question). Everything may be allowed, but everything is fundamentally connected. The tearing off of an ant's leg resonates to the end of the universe and the end of the universe can only echo it – since there is no end, and everything is here. In this formidable sounding (reasoning?) board, human actions are an endless howl.

It will have to stop.

 
Lire la suite...

from Tanies

Ceci est un post qui risque de croître au fil du temps : j'y regrouperai des bouts de textes faisant partie d'un même univers et comme je ne peux pas faire plusieurs blogs ici, cela me semble la solution la plus appropriée actuellement


Dénouer les nœuds, délicatement, les renouer aussitôt derrière. Faire très attention à ne rien emmêler. Tisser de nouveaux liens, quand cela s'avère possible, lentement, avec beaucoup de précautions.

La première fois, Æl ne s'en souvient plus vraiment. Quelque part, loin dans l'enfance, un changement d'environnement soudain, un shift dans la perspective – ce n'était plus le même angle de vue, une modification du ressenti – était-ce vraiment les mêmes couleurs ? Impression de plus chaud. Une autre odeur, aussi. Des sons légèrement différents (la musique qui passait, en fond, ne donnait pas le même effet, ne procurait pas le même type d'émotion). Angoisse de perturber quelque chose, de se faire prendre. Revenir à soi brutalement, ne plus pouvoir repartir.

Sans doute ce premier “souvenir” est-il celui de la première conscience d'une différentiation.

Le feu crépite dans la cheminée, la pièce sent bon le café matinal. Le chat s'étire. Il a des pensées simples, le monde est plus calme à travers son spectre.

Æl s'y love avec délices.


Se laisser pénétrer par l'Autre comme on le pénètre – laisser l'Autre s'imbiber de soi comme on se laisser imbiber par l'Autre. Devenir deux êtres à la fois, et ce faisant, perdre une partie de son individualité pour accueillir celle de l'Autre. Finir par définir l'Autre comme un nœud qui n'a pas encore été rejoint. Devenir multiple au fil des connexions. Ne plus savoir qui – ou quoi – parle.


Les corps en tant que filtres, chaque filtre produisant une version autre, parfois très légèrement, parfois radicalement – à la racine.


Premier contact avec un arbre – impression diffuse de corps augmenté, à la fois omniprésent et aveugle – ressentir le monde par les racines, l'écorce, les feuilles, ne pas parvenir à se situer précisément au sein de cet ensemble. Ne plus savoir exactement où s'arrête le “soi”, où commence l'autre. Web des connexions racinaires, réseau mycorhizien – Pouvoir ressentir les choses sur des kilomètres.


On croit toujours penser par soi-même mais on est pensé plus que l'on ne pense.

De même que ce n'est en général pas le “moi” conscient qui actionne les muscles pour marcher ou respirer, il est rare de penser parfaitement consciemment. En maîtrisant ce que l'on pense. En désirant le penser.

Tant de pensées nous traversent continuellement. Il faut de la concentration, pour suivre le fil d'une pensée jusqu'au bout – et c'est bien à cela que sert le langage : fixer la pensée par des mots. La contraindre, par la parole ou l'écriture, à suivre son cours ; la rattraper et l'orienter si besoin ; l'obliger à suivre un chemin bien défini au lieu de partir dans toutes les directions ou d'avorter au bout de quelques secondes.

Les images peuvent fixer également – c'est un type de pensée plus horizontal, spatial. La musique à l'inverse est complètement dans le temporel. Penser uniquement en images ou en musique demande un certain entraînement. S'obliger à penser en une langue étrangère permet de mieux saisir le flux des mots qui se forment sans intention consciente préalable.

Chaque pensée a sa tonalité propre – au premier plan, la voix qui va lire les textes dans notre tête ou tenter de s'approprier la pensée dominante; un ton plus bas, la pensée radoteuse, agaçante, celle qui ressasse le même air ou les mêmes pensées sans qu'on puisse la faire taire ; plus bas encore, celles qu'on laisse divaguer sans y prendre garde, comme dans les rêves ou une musique de fond. Penser avec la voix d'une autre personne est également possible – c'est ainsi que des dialogues se créent, plus ou moins consciemment – on incarne successivement l'Autre et soi-même – tout au moins l'Autre que l'on s'est forgé en interne et qui n'est finalement qu'un autre soi-même.

On prend si rarement le temps d'écouter ses pensées.

Avec l'âge c'est de moins en moins net, de moins en moins stable. Comme un rêve qu'on oublie au fur et à mesure. Comme si on disparaissait petit à petit de soi-même et qu'il ne restait plus que la coquille vide – un automate qui pense sans plus se penser.


Amine caresse la surface blanche qui s'étend sous ses doigts. Concentration. Ressentir l'Autre qui circule dans le réseau, parvenir à s'y projeter afin de transmettre et recevoir, intégrer soi-même le réseau qui s'interconnecte avec les racines des arbres. D'autres font ça avec les oiseaux, d'autres encore avec les insectes, c'est plus hasardeux car ça n'a pas de direction prédéfinie, tout dépend du message – point à point ou à large spectre, prévenir une communauté en particulier ou le plus de monde possible, diffusion locale ou globale – les connexions transatlantiques ou transpacifiques utilisent les courants marins et les êtres qui les suivent – poissons, tortues, méduses...

Lire – c'est à dire l'art de recevoir et de comprendre les messages – s'acquiert au fil du temps et des sensibilités, ce n'est pas donné à tout le monde et chaque personne a ses préférences, ses dons particuliers, ses affinités avec telle ou telle espèce.

Pour Amine, ce sont les champignons, et encore, certaines espèces uniquement. Elle aime s'immerger dans leur monde, les écouter vivre leur vie à la fois discrète et intense.


— Assieds-toi là.

Elle m'indique un coussin sur le sol, je m'y installe tant bien que mal, hésitant entre mettre mes jambes en tailleur et les allonger devant moi. Elle se place à un petit mètre de moi, elle aussi sur un coussin, résolument en tailleur. Je décide de l'imiter.

— Pourquoi es-tu là ?

Sa question me trouble – elle le sait, pourquoi je suis là, c'est elle qui m'a demandé de venir, pour essayer.

— Je...

Elle rit légèrement.

— Pas la peine de répéter. Ma question portait sur “là”.

— Pourquoi je suis là et pas ailleurs ?

— Voilà, c'est ça. Autant dire les choses directement, c'est plus facile pour nous deux.

J'essaie de réfléchir.

— Ce n'est pas facile pour toi, mais ce n'est pas facile pour moi non plus. Fais comme si je n'étais pas là. Penser, c'est comme parler.

Elle me regarde un instant de ses grands yeux gris pâle puis poursuit tranquillement.

— La plupart du temps, on reçoit les informations sans les articuler clairement – le courant d'air dans le cou, la lumière du soleil à travers le rideau, l'odeur des pins, le roulement de l'océan au loin... Tu vois, je viens de les articuler mais auparavant, ils étaient sans mot dans ta tête. Si tu étais plurilingue, tu ne saurais pas en quelle langue tu les pensais – car tu ne les pensais pas vraiment, pas encore, dans aucune langue. Plus exactement, ce n'était pas toi – en tant qu'entité consciente – qui les pensait. Penser demande un effort, comme parler. Sauf que c'est plus diffus, ça part plus facilement dans tous les sens. Articuler ses pensées force à une certaine logique – en général !

Elle éclate d'un rire franc. Puis reprend son sérieux. C'est vrai que je ne pense à rien, là. Enfin, je ne pensais à rien avant de formuler que je ne pensais à rien.

— Déjà, où situes-tu ce “là” ?

— ...

— On est d'accord que tu te penses en face de moi, “dans” ton corps. Mais où, plus précisément ?

— Ah. Dans ma tête... Quelque part derrière les yeux... Peut-être légèrement au dessus et en arrière. Dans mon cerveau... Comme tout le monde, quoi.

— Comment peux-tu le savoir ?

— Comment ça ?

— Que c'est le cas de “tout le monde” ?

— ...

— Est-ce que tu parviendrais à te situer ailleurs ? Par exemple au niveau de ton ventre ?

Il faudrait que je ferme les yeux... Que je me concentre...

— Essaie.

Noir. Je sens toujours mes lèvres devant moi, mes épaules en dessous. J'essaie en vain de “descendre”.

— Je n'y arrive pas. Trop de choses, trop de contacts, de sons, me rappellent où je suis réellement.

— Réellement ? En quoi serais-tu plus dans ta tête qu'ailleurs ?

— C'est là où mon “je” pense, dans mon cerveau.

— Moi j'y suis. C'est chaud, ça gargouille un peu. Ça pense très légèrement, un intestin, c'est toujours amusant d'écouter ce que ça dit.

— Apprends-moi.

— Pourquoi ?

Parce que je veux changer, je veux comprendre, je veux aider.

— Comment as-tu appris notre existence ?

Pourquoi elle me pose cette question. Elle le sait très bien.

— Camille...

— Ça reste très confus pour l'instant. Ce qui te pousse à rechercher cette sorte de pouvoir.

Pouvoir ? J'aurais plutôt dit savoir. J'ai dû laisser tout mon attirail chez moi, ici c'est à poil qu'on pénètre dans la zone. Le plus dur a été les implants. Quelque part, j'ai déjà sauté. Reste à savoir s'il y a autre chose que du vide de l'autre côté. Si Camille existe encore, quelque part, de l'autre côté.

Elle me fixe à nouveau.

— C'est avant tout une question d'empathie. Et de relâchement. Chaque personne est comme un nœud. Une petite boule resserrée sur son égo. Il faut beaucoup de confiance pour desserrer ça.

Oublier la peur. Plonger sans se poser de questions.

Sa voix dans ma tête me fait sursauter. C'est puissant, ça n'a pas la même tonalité que la voix dont j'ai l'habitude.

— Il y a une connexion entre vous deux, même si c'est trop diffus pour que tu t'en aperçoives. C'est bon signe.

— Bon signe pour quoi ?

— Ça montre que tu as su l'accepter en toi.

Je préfère ne pas répondre. Pas à voix haute.

— Je te propose un exercice. Est-ce que accepterais de me recevoir ?

Elle lit déjà dans ma tête et ne m'a pas demandé de permission pour ça, que veut-elle de plus...

— Est-ce que tu accepterais de partager mes pensées.

Oh, l'inverse alors.

Elle éclate de rire.

— Toujours ce besoin de déterminer qui agit et qui subit. Qui donne et qui prend. L'individuation crée le sens – et la direction. Se connecter, c'est relâcher en partie ce processus. Qui prend qui ? That's the question. Ready ?

—...

La couleur est différente. Les odeurs. Les pensées ont un autre son, ce n'est pas “ma” voix. J'ai du mal à me situer jusqu'au moment où je m'aperçois que la personne en face de moi n'est plus elle, mais moi. J'ai mis quelques fractions de seconde à me reconnaître. Panique. Qui s'occupe de mon corps si je ne suis plus dedans ?

Elle rit une nouvelle fois. Enfin, je ris. Je sens les muscles de ma mâchoire qui se contractent, le son dans ma gorge – ce n'est pas tout à fait le même son que tout à l'heure, ça ne rend pas pareil.

Tu es toujours “là”. Je te transmets juste ce que je perçois, moi. Toi, tu n'as pas bougé.

Sa voix interne aussi a une tonalité différente.

— C'est génial...

Ma bouche s'est ouverte et a prononcé ces mots, j'ai le regard un peu fixe, comme en transe. Je suis toujours en face. J'ai l'impression d'être en face. Et le son de ma voix...

Flou. Je me retrouve dans “ma” tête à moi, mais ne sachant plus vraiment qui est ce “moi”.

— Tout le monde ne sait pas faire ça. Tu ne sauras peut-être jamais faire ça. Chaque personne a sa façon de faire, de se connecter. Je peux t'aider à découvrir ce qui te convient le mieux.

— C'était un test ?

— Parmi d'autres.

— Pourquoi prendre autant de précautions ?

— Il y a déjà eu des erreurs.

— Je ne comprends pas. Vous entrez dans la tête des gens, ça devrait être facile à voir, si certaines personnes ne “conviennent” pas...

— On ne sait déjà pas soi-même comment on peut réagir dans une situation donnée. On pense résister, et finalement on collabore. Ou l'inverse. L'empathie nous porte et c'est la seule chose qui peut encore nous sauver. Mais il faut pouvoir accepter la douleur qui va avec.

— Camille... Camille avait cette douleur en elle.

— Tu l'as aussi. Mais tu la confonds avec autre chose ce qui fait que tu ne l'entends pas encore pour ce qu'elle est. Cela fait vingt ans que ce que tu penses être un mal être personnel est en fait un mal être collectif. Plus nous serons, et plus nous amplifierons ce ressenti. Il faut former une caisse de résonnance. Que cela devienne insupportable au plus grand nombre.


Sensation du vent tout autour de moi caressant mon corps, impression de profondeur, de toute puissance, piqué soudain vers l'océan – mon cerveau a perçu un mouvement juste sous la surface, je plonge... corps mou et glissant dans la bouche – le bec, plutôt – j'avale en quelques saccades, c'est bon et ça remplit, ça gigote encore un peu... Je reprends de l'altitude, mes plumes ont déjà séché, je me remets à scruter au loin, le monde est plein de vie et je le surplombe... soleil chauffant mon dos, je reste un bon moment en vol statique porté par la brise marine, réajustant de temps à autre ma position par un coup d'aile. Changement d'angle soudain, flux d'odeurs alléchantes, un point blanc sur l'horizon qui grossit à vue d'œil – j'ai mis le turbo – sauts de poissons un peu partout autour de moi – j'aimerais ne pas aller me risquer là-dedans mais c'est trop tard – frénésie palpable, beaucoup de congénères se battant et se heurtant au milieu des filets, certains se font prendre – ça ne rate pas, choc soudain, gorge prise... je finis par me rendre à l'évidence et vise un mulet qui a réussi à éviter le chalut, je continuerai par voie maritime le temps qu'un autre prédateur me choppe, j'en profite pour me concentrer et diffuser la nouvelle du danger autour de moi – les cerveaux des poissons sont plus simples, je parviens mieux à les maîtriser, je manque encore d'entraînement avec les oiseaux – et c'est bien pour cela qu'il faut que je m'obstine : same player, play again...


Toutes les voix du monde. Littéralement. Le cerveau ouvert, ses barrières rompues. Comment recouvrer le silence.

Ce que l'on croit voir n'est qu'une façade. Le cerveau complète tant bien que mal, inventant ce qu'il ne parvient pas à percevoir afin de produire quelque chose de cohérent. Qui semble cohérent. Les illusions optiques ne sont qu'une conséquence parmi d'autres de cet état de fait. La pensée elle-même n'est cohérente qu'en surface. Posée par écrit, personne ne la recevra exactement de la même façon. N'en tirera les mêmes conséquences. Changer de cerveau permet de changer de point de vue. De compléter en quelque sorte le tableau.

Mais il serait faux de dire qu'on ne fait que changer de tête. Une tête sans corps est un non-sens logique. Une tête branchée sur un autre corps – naturel ou non – rêves de silicone – pense nécessairement différemment. Que serait ma pensée si j'étais branchée sur un char d'assaut ? Un arbre ? Une tour de télévision ?


Désapprendre le sujet. L'assujettissement. Au “je”. Arrêter de penser comme si le “je” était la source de ces pensées alors qu'il n'en est qu'une conséquence. Ce qui fait glisser mon crayon sur la feuille, les phrases qui me viennent, poussent à travers moi – abandonner le moi, aussi.

À qui appartiennent ces doigts ? Qu'est-ce qu'appartenir ? Faire partie de ? Qu'est-ce qui “me” sépare de cette fleur, de quoi cette abeille est-elle le lien ?

La pilule repose sur la table basse à côté du transat. La prendre entre des doigts, la glisser entre des lèvres reliées organiquement à un système nerveux et à un cerveau irrigués par un réseau sanguin que la composition chimique de la pilule va venir bientôt subtilement modifier.

La pilule n'est qu'une aide, un substitut pour ce que ce corps ne parvient pas encore à réaliser de lui-même – un peu comme une paire de lunettes corrige un défaut de vision, sauf qu'ici c'est la vision elle-même qui se trouve remise en question, et, à travers elle, le traitement des affects par le cerveau. Ce qui fait que le centre, là où “je” pense “me” trouver se situe derrière ces yeux.

Les lunettes sont des filtres supplémentaires sur ce filtre naturel que sont mes yeux. De même que cette vitre et ces murs filtrent l'extérieur – et me protègent quand il fait froid ou qu'il pleut.

Certains filtres sont passifs, d'autres actifs – comme mon cerveau. En ce sens qu'il ne se contente pas de filtrer mais interprète également les données physiques qu'il filtre. Peut-être d'ailleurs faudrait-il distinguer le filtre de l'interprète.

Je m'aperçois que je n'ai pas (encore ? plus ?) les outils mentaux pour penser ça. J'ai abandonné les études trop tard ou trop tôt, allez savoir. Qu'importe, il est toujours temps pour recommencer à réfléchir. Comme un miroir ou une vitre sans tain. Se mirer dans l'œil des autres. Ou le contraire.

La pilule une fois avalée il devient aisé de déplacer le centre, l'étendre, le diluer – le perdre complètement, peut-être. Même si rien ne se déplace en vérité (si tant est que quelque chose de l'ordre de la vérité existe). Seules les perceptions changent, par la modification, l'atténuation des filtres. Le petit doigt du pied gauche devient un temps le receptacle, le centre d'accumulation fictif d'un “moi” qui se dégonfle et quitte ses prétentions de gouvernance. Une mouche s'y dépose, elle devient véhicule et nœud interprétatif avant que l'ensemble ne réalise qu'il n'a plus besoin ni de véhicule ni de nœud...

(Quels yeux épatants que ceux de la mouche ! Et quelle bizarre impression de se voir – voir ce que l'on a pris l'habitude d'appeler “son” corps – par ce filtre !)

J'ai failli “me” perdre. Sans nœud paraît-il c'est le retour au chaos originel – enfin, au chaos dont on imagine qu'il était là à l'origine, mais peut-être n'y a-t-il jamais eu de chaos parfait, peut-être à l'origine était le Nœud...

(Il faut faire attention à desserrer sans dénouer totalement si on veut pouvoir retrouver ensuite son véhicule – plus “je” relâche la tension et plus “je” ressens les autres nœuds comme s'ils faisaient partie de “moi”.)

Qu'est-ce qui s'occupe de “mon” corps quand “je” le laisse ainsi à l'abandon ? Fausse question, basée sur un faux problème. “je” ne laisse rien du tout. Il n'y a pas de mouvement, il n'y a qu'une différence de perception. Peut-être que la seule chose qui bouge est la ligne du temps, et encore bouge-t-elle différemment lorsque “je” commence à desserrer les nœuds. Rien ne bouge réellement dans l'espace-temps qui par définition comprend la dimension temps – quand “je” tente de me représenter cet espace-temps, ça ressemble à une gelée dont notre espace à trois dimension serait une coupe – la seule que nos cerveaux parviennent à visualiser, tous nos organes fonctionnant dans cet espace – sauf que pour fonctionner il faut aussi du temps et que signifie visualiser, si ce n'est prétendre s'extraire de. Il y a quelque chose de pourri au royaume de l'esprit.

L'effet de la pilule s'est résorbé, “je” suis de retour dans ce corps étriqué qui me tient lieu de véhicule.

Où s'arrête le purement corporel et où commence l'“esprit”– ce “je” qui pense penser – Descartes s'est fait avoir par le “je”, il a posé en hypothèse ce qu'il souhaitait obtenir en conclusion.

“Je” ne sais pas ce que ce “je” désigne. “Je” est une chose composite qui ne maîtrise réellement qu'une infime partie de ce qui la constitue – quid de la flore intestinale, de ces virus ou bactéries qui “me” colonisent (vive le colon), quid de l'air du café de l'alcool des hormones du sperme des selles de l'urine de la sueur de la salive, quid de cette prothèse qui est devenue et que je ressens comme “mon” bras (le bras d'origine n'étant plus mais continuant nonobstant à se rappeler à moi par la douleur, le chatouillement ou l'irritation comme s'il était encore...) quid de ces prothèses numériques qui étendent la portée de mes sens, augmentent mes capacités mémorielles et de calcul, me permettent parfois de ressentir autrement... où s'arrête le “je” – et commence-t-il seulement quelque part ?

Limites spatiales et temporelles : grossières barricades pour qui veut parvenir à (se) mettre en boîte, nommer, classer.

Parvenir à s'assouplir et se fondre, se dilater se fluidifier se diffuser. Refuser la rigidité des frontières.\ J'ai repris une pilule et avec elle, le voyage.

Un jour, peut-être, “je” parviendrai à faire sans (sens ?), il y en a qui y arrivent mais je n'ai pas eu la patience de cet apprentissage et on manquait de temps – de toute manière la pilule est déjà moi, en moi, nous formons un continuum dans l'espace-temps sauf que l'espace n'est plus vraiment l'espace et le temps n'est plus vraiment le temps – déplacement sans mouvement je est tout et rien à la fois, encore une de ces dualités-binarités dont notre espèce raffole blanc-noir, yin-yang, ombre-lumière, onde-particule, mâle-femelle.

La Terre est une accumulation de nœuds, il y en a des tellement rigides qu'ils en paraissent pétrifiés – et d'autres aussi fluides que le vent.

Tout est nœud et la catastrophe n'en est que plus patente. La Terre est une boule de nerfs prête à exploser, des vagues encore partiellement endiguées pulsent et gagnent en puissance – dénouements en cascades.

Mourir n'est qu'un dénouement particulier, un nœud s'efface et se résout, et ce (se ?) faisant, forme de nouvelles résonnances – la particule se scinde ou s'absorbe mais l'onde continue son chemin.

Le cri d'un enfant peut-il se résorber dans un paquet d'onde ? (Dostoïevski salue de Broglie – une femme marche à l'ombre, enfant ou pas – that's not in question). Tout est peut-être permis, mais tout est fondamentalement lié. L'arrachement de la patte d'une fourmi résonne jusqu'au bout de l'univers et le bout de l'univers ne peut que lui faire écho – puisqu'il n'y a pas de bout, et tout est . Dans cette formidable caisse de résonnance (raisonnance ?), les agissements humains sont un hurlement sans fin.

Il va bien falloir que cela cesse.

 
Lire la suite...

from Quelques textes un peu trop longs pour mastodon

Sur le niveau d'absurdité stratosphérique des dossiers à remplir pour obtenir des financements qui sont indispensables pour simplement faire le travail pour lequel on a été recruté.e dans l'enseignement supérieur. #resistESR

On lit dans un récent appel à projet de l'ANR (sous-titre : “au service de la science”) les paragraphes suivants (tout petits extraits des 35 pages de dépôt, contenant des consignes de remplissage des formulaires) :

Outline of Research Project
In Form 2-1, Provide an overall description of the research proposal in two or less A4-size sheets (no exceptions). Use 10.5 point or larger font size (If these instructions are not followed, the research proposal might not be accepted). Unlike Form 3-1 (project description), it is not allowed to cite numbers of papers that are shown in the list of achievements (Form 2-2, Form 6, and Form 7).

ou encore des “conseils” pour la présentation d'une liste de publications :

List of principal research papers(within 10 papers)(...) select a maximum of 10 principal research papers by the research project applicant (the Research Director) and list them here (Use the same description and format as from XX Form 6, Item 1)
- Make entries retrospectively from the present to the past years of publication.
- Sequentially number each item with a number at the beginning of each title.

Zut alors, moi qui mettais mes publications en vrac et avec des numéros au milieu des titres ! si j'avais su... Et si l'on veut jouer à la définition stricte des textes acceptables, alors la deuxième ligne (Numéroter séquentiellement chaque article ...) me fait un peu penser à “quelle différence y a-t-il entre un pigeon ?”, ou “mettre un tiret entre chaque nom”).

Et enfin des précisions sur les dates pour lesquelles on demande des prévisions de résultats :

2.Target of proposed research project
(1) Target to be achieved in the middle of the research period (within 60 words)
Describe briefly (within 60 words) the research target in the middle of the proposed research period (for 5.5 years of entire research period, at the time of 3 years later from the start of the project).

Vous imaginez le gestionnaire des programmes de recherche qui s'est levé un jour avec enthousiasme pour aller pondre ces règles détaillées dans lesquelles on estime nécessaire de préciser où se trouve le milieu d'un projet de 5 ans et demi ? Et je vous laisse apprécier le glissement entre le titre Target of proposed research project (ça va encore, en général on sait un peu ce qu'on veut essayer de faire), et immédiatement dessous Target to be achieved in the middle of the research period. Comme d'habitude : si on le savait on l'aurait déjà fait. Et si on ne le sait pas, c'est parce qu'il s'agit de recherche. En s'en tenant aux stricts aléas sur le fond scientifique de la question, personne n'a jamais su dire où il en serait, à 3 mois près, l'année suivante. Alors si en plus on prend en compte les aléas dus à la gestion du projet, ce formulaire nous demande juste d'inventer purement et simplement un planning de résultats.

Enfin il faut bien se rappeler que cela s'adresse à des gens qui ont fait de longues études, et à qui on va distribuer de l'argent pour censément les inciter à faire preuve d'imagination et à faire avancer la science. Quoi que l'on pense de cet objectif, des critères qui devraient présider au choix des sujets de recherche financés ou non, n'y aurait-il pas comme une petite incohérence à préciser au quart de poil les règles de remplissage de dossier, alors qu'on attend de l'imagination, de la liberté de pensée, la capacité à sortir de la routine ? Tout ça pour pouvoir innover et faire des breakthroughs à tour de bras, breakthroughs qui décoreront ensuite très joliment la vitrine de l'université dans sa course aux classements internationaux ? Je n'ose imaginer (ce serait vraiment trop horrible) que c'est parce qu'en fait il ne faut surtout pas sortir de la routine et faire preuve de liberté de pensée.

Tout cela peut paraître naïf et anecdotique, les effets du néomanagement sur la recherche en particulier ayant déjà été très bien étudiés. Cela peut également paraître dérisoire au vu des problèmes globaux, ou de l'état de la France en 2023. Certes.

Mais il semblerait que nos institutions proches ne mesurent toujours pas le mal que ce management débile de la recherche fait aux jeunes chercheurs. Et même aux plus vieux qui maintenant partent en courant avant d'ouvrir le moindre fichier excel. Il ne s'agit plus seulement de “faire avec”, en inventant rapidement de quoi remplir les formulaires de manière vaguement cohérente. Nous sommes nombreux parmi les “vieux” de l'ESR à l'avoir fait, dans notre rôle de parapluie pour les plus jeunes. Je me souviens d'en avoir même plaisanté, en échangeant avec des collègues les astuces de fabrication rapide (voire automatique, puisqu'on est informaticiens) de plannings de résultats cohérents. Mais il y a des limites à la distanciation qu'on peut prendre face à de telles injonctions. L'absurdité atteint de tels sommets qu'il s'agit maintenant de dire simplement stop!

Il est urgent de ralentir à l'université pour plusieurs raisons. Faire la grève des appels à projet me paraît un bon moyen de ralentir tout en préservant sa santé mentale. Il semble de plus en plus évident que le peu qu'on peut encore faire avec les moyens qui restent est 100 fois plus intéressant, motivant et inventif, que ce que l'on aurait fait une fois s'être contorsionné pour entrer dans le carcan des appels à projet avec leur planning de résultats et leurs évaluations par indicateurs.

 
Read more...

from Ross Flynn

How Do You Use A Contour Pillow For Neck Pain?

Are you tired of waking up with a sore and stiff neck every morning? Neck pain can be unbearable, especially if it impacts your daily activities. Fortunately, contour pillows are designed to provide relief for people suffering from neck pain. But how exactly do you use a contour pillow? In this blog post, we'll explore the benefits of using a contour pillow for neck pain and share some tips on how to make the most out of your new purchase. Say goodbye to restless nights and hello to better sleep!

Contour Pillow

There are a few different ways to use a contour pillow for neck pain. One way is to place the pillow between your head and the rest of your body, so that it supports your neck and helps to relieve tension in your cervical spine. You can also use the contour pillow to create a “U” shape with your head and shoulders, which will help align your spine and reduce pressure on your neck.

How Does A Contour Pillow Work?

A contour pillow is a type of pillow that is design to specifically support the neck and head. This type of pillow is different than other types of pillows because it has a concave shape. The concave shape makes it easier for the neck and head to rest in the center of the pillow.

The benefits of using a contour pillow for neck pain include relief from tension headaches, improved sleep, and decreased stress levels. How does a contour pillow work? When you lie down on a contour pillow, your head, neck, and shoulders will be in alignment. This will help to reduce tension in those areas and provide relief from pain or discomfort.

What are the benefits of using a contour pillow for neck pain?

When it comes to neck pain, contour pillows can provide a lot of relief. While there are many types of pillows on the market, contour pillows are specifically designed to support your head and neck.

Here are some of the benefits of using a contour pillow for neck pain:

1. They Help to Relieve Neck Pain Immediately

Many people find that they experience significant relief from neck pain within minutes of using a contour pillow. This is because the shape and firmness of the pillow helps to support your head and neck while you sleep.

2. They Help To Keep Your Neck In Place

The contour pillows also helps to keep your neck in place throughout the night. This is important since it can prevent your neck from moving around and causing further pain.

3. They Can Help To Improve Sleep Quality And Circulation

Since a contour pillow supports your head and neck, it can help to improve sleep quality and circulation. This is because it helps to reduce pressure on various areas of the body, including the brain and spine.

How To Use A Contour Pillow For Neck Pain

There are a few ways to use a contour pillow for neck pain. The first way is to place the contour pillow behind your head and then tuck your chin in so that the pillow forms a cup around your neck. You can then relax your head and shoulders, allowing the pillow to support your neck and give you relief from symptoms such as headaches, tension headaches, soreness, or pain in the front of your neck.

Another way to use a contour pillow for neck pain is to place it behind your head and then rest your hands on top of it. This will help you take pressure off of your neck and allow you to relax. You can also adjust the firmness of the pillow by pressing down on one side or the other.

If you suffer from cervical spine dysfunction or any other type of neck pain, using the contour pillows can be an effective way to relieve symptoms.

Are Contoured Pillows Good For Your Neck?

If you’re suffering from neck pain or have limited range of motion, contour pillows can be a great way to help ease your symptoms. In fact, millions of people around the world use contoured pillows every day to improve their quality of life.

Here are five tips for using a contour pillow:

  1. Choose the right size. Most people find that a standard pillow is too small and don’t provide enough support. For best results, choose a pillow that is at least two inches larger than your head.
  2. Find the right position. Lie down on your back with your head and shoulders flat on the bed. Place the pillow near your neck and gently press it against your skin. If you have limited range of motion, place one arm on top of the pillow to help support your weight while you move the other arm around freely.
  3. Use a blanket if necessary. If you find that the pillow is too firm or uncomfortable, try using a thin blanket underneath it instead.
  4. Change positions regularly throughout the night to prevent stiffness from setting in.
  5. Experiment until you find a position that feels good to you and helps relieve your neck pain or fatigue.

Why Buy The Sleepsia Contour Neck Pillow

If you suffer from neck pain, there are a few things you can do to alleviate the problem. One of these is to use a contour pillow. The contour pillows are design to support your neck and help reduce pressure on your spinal cord. In addition, a contour pillow can help correct alignment issues in your cervical spine, which may be causing your pain.

Here are four reasons why you should buy the Sleepsia Contour Neck Pillow:

1) It's Designed Specifically for Neck Pain Relief

A contour pillow is specifically design to support your neck and reduce pressure on your spinal cord. This helps relieve neck pain quickly and effectively.

2) It Corrects Alignment Issues in Your Cervical Spine

A contour pillow can help correct alignment issues in your cervical spine, which may be causing your pain. By correcting these issues, you can reduce the amount of pressure that is applied to your spinal cord and relieve neck pain more completely.

3) It's Comfortable and Supports Your Head and Neck Well

The Sleepsia Contour Neck Pillow is both comfortable and supportive. This makes it ideal for people who suffer from severe neck pain or discomfort.

4) It's Easily Portable and Can Be Taken With You Wherever You Go

The Sleepsia Contour Neck Pillow is easily portable and can be taken with you wherever you go. This makes it ideal for people who suffer from neck pain that limits their mobility.

Conclusion

Neck pain is a common problem, especially for adults. If you are suffering from neck pain, you may be wondering how to relief it. One way to do this is by using a contour pillow. This type of pillow has been specifically design to help with neck pain and other issues related to the head and spine. By placing your head on the contour of the pillow, you can help to alleviate pressure on your neck and relieve any pain that you are experiencing.

 
Read more...

from Ross Flynn

Hotel Pillows: Which Pillows Are Best For Hotels

“Have you ever checked into a hotel and been blown away by the luxurious pillows on your bed? We all know that feeling of sinking into a cloud-like pillow after a long day of travel. But what makes these hotel pillows so different from our own at home? Is it the material, the size or just sheer quality? In this post, we'll be exploring some of the best hotel pillows out there, and why they're worth investing in for your own bedroom oasis.”

Best Hotel Pillows

When it comes to finding the best hotel pillows, there are a few things to keep in mind. The pillow should be soft, pliable and supportive, providing a comfortable sleeping experience for both guests and staff. Additionally, the pillow should be easy to clean and resistant to stains. Finally, the pillow should fit comfortably on most beds and have enough padding to provide support without being too thick or stiff.

Here are five of the best hotel pillows available on the market today:

  1. The Sleepsia Hotel Pillows are one of the most popular pillows on the market because of its soft and contouring design. It is also machine-washable and can be easily dried in a dryer.
  2. The Cloud Supreme pressure-relieving memory foam pillow is another popular choice because of its plush design and superior comfort. This pillow comes with a 12-month warranty, making it a good investment for long-term use in hotels.
  3. If you are looking for an economical option that still offers quality comfort, consider the down alternative feather pillows from goose down products like Goose Down Hotel Pillow by Pure Sleep USA (available at Bed Bath & Beyond). These pillows are lightweight and offer decent support without being too firm or hard.
  4. If you prefer a firmer pillow for better neck support, try out the cervical spinal cord traction device neck pillow by Cervical Spine. This pillow is made with traction straps to help keep your neck in a neutral position while you sleep, which is beneficial for those with neck pain or stiffness.
  5. If you are looking for the most supportive and luxurious hotel pillow available, the Charles Owen Wolff Memory Foam Pillow is a top pick. This pillow is made with 100% pure memory foam and comes with a removable cover that can be machine-washed and dried. Additionally, this pillow comes with a lifetime warranty.

Which Hotel Pillow Is Best For You?

When it comes to choosing the best hotel pillow, there are a few things to consider. The type of pillow you choose can impact both your sleep quality and your comfort. Some people prefer memory foam pillows, while others prefer buckwheat pillows.

Here are three of the best hotel pillows for each type of sleeper:

  1. Memory Foam Pillow: Memory foam is a popular choice for many people because it's both comfortable and supportive. It conforms to your head and neck, which helps you get a good night's sleep. If you're someone who tosses and turns a lot, a memory foam pillow is likely going to be the perfect choice for you.
  2. Buckwheat Pillow: Buckwheat is another popular option for hotel pillows because it's durable and cool-to-the-touch. This makes it a great choice if you're worried about overheating during your stay. Buckwheat pillows are also effective at contouring to your head, so they provide maximum support in all directions.
  3. Down Pillow: If you're looking for the most luxurious experience possible while staying in a hotel, then a down pillow may be the perfect option for you! Down is one of the most absorbent materials available on the market, which means that it'll keep you as warm as possible throughout the night. Plus, down is rare enough that it will make any guest room feel like home!

What Are The Benefits Of Hotel Pillows?

There are many reasons to choose hotel pillows. They can help you get a good night's sleep, reduce neck and back pain, and relieve stress.

Here are the five benefits of using hotel pillows:

  1. Get a Good Night's Sleep: Hotel pillows can help you get a good night's sleep by providing the correct support for your head and neck. They can also keep your spine in alignment, preventing pain in your neck or back.
  2. Reduce Neck and Back Pain: Hotel pillows can help reduce neck and back pain by providing the correct support for your head, neck, and spine. They can also keep your head and neck correctly aligned so that you don't experience pain in these areas later on.
  3. Relieve Stress: Hotel pillows can help relieve stress by helping you get a good night's sleep and reducing neck and back pain. They can also provide the right amount of support so that you don't feel too squished or compressed while you're sleeping.
  4. Keep Your Head & Neck Aligned: A correctly positioned pillow will prevent your head from tilting backwards or forwards, which is known as cervical posture syndrome (CPS). This syndrome is caused when the vertebrae in your cervical spine become misaligned, which leads to improper alignment of your spinal cord and nerves throughout your body. By maintaining correct cervical posture with a pillow, you may be able to avoid CPS problems in the future.

What Are The Different Types Of Hotel Pillows?

There are a number of different types of hotel pillows. So it can be hard to decide which one is right for you.

Some people prefer ultra-soft pillows, while others like firm ones. There are also memory foam pillows, which are super soft but can lose their shape after a while.

If you're looking for a pillow that will help you get a good night's sleep. The best choice might be a down pillow or an organic cotton pillow. Down pillows are high in quality and provide superior support, while organic cotton pillows have fewer chemicals and are often consider more environmentally friendly.

What Are The Best Hotel Pillows For People Who Snore?

Snorers have to deal with the aftermath of sleep deprivation and noise all night long. Many people turn to over-the-counter remedies like antihistamines or decongestants. But they all have their own individual side effects, including drowsiness and impaired motor skills. An effective solution is to find a pillow that corrects snoring without affecting someone’s restful sleep.

Here are three of the best hotel pillows for people who snore:

The first option is the neck pillow. This type of pillow is design to support your head and neck while you sleep. It can help reduce tension in your throat, which can lead to less snoring.

If you’re looking for a more traditional pillow, the memory foam pillow may be a good option for you. Memory foam is famous for its ability to contour to your body, which means it will help reduce pressure on your neck and throat when you use it as a bedside pillow.

Finally, if you suffer from severe snoring, the use of an oral CPAP machine may be necessary. This type of machine helps open up your airway by providing positive air pressure through a mask worn during sleep.

What Are The Best Hotel Pillows For Stomach Sleepers?

When it comes to finding the best hotel pillows for stomach sleepers, there are a few things to keep in mind. First off, you'll want a pillow that's both firm and supportive. A pillow with a memory foam or latex core will be ideal for those who need a lot of support, while those looking for something softer may prefer a pillow with cotton or feather filling. Additionally, it's important to consider the size of your head and neck when selecting a pillow. A smaller pillow may be more comfortable for those with smaller heads, while those with larger heads may find that a larger pillow is better suited. Last but not least, make sure to test out different types of hotel pillows before making your purchase. So that you can find the perfect one for you.

What Are The Best Hotel Pillows For Side And Back Sleepers?

There is no definitive answer when it comes to the best hotel pillows for side and back sleepers. As everyone's body shapes and sleeping habits are different. That said, some of the most popular pillows on the market that are commonly recommending to side and back sleepers include the following:
  • The Sleepsia hotel pillows from sleepsia.com are the popular choice for side and back sleepers because it offers great support for both neck and head positioning. Additionally, its generous size means that it can accommodate a wide range of body types and sleeping positions.
  • The standard-sized memory foam pillow is another popular option for side and back sleepers. Its contoured shape and soft, malleable texture make it comfortable to use both night after night. And its affordable price makes it a great value for money.
  • If you're looking for a more traditional pillow that conforms to your specific shape. The Goose down Pillow from Target is a great option. It's crafted from 100% pure goose down, which makes it extremely soft and comfortable to use. Plus, its small size makes it perfect for travel or storage purposes.

What Are The Best Hotel Pillows For People Who Have Allergies?

Pillows Hotel Quality can be a great place to sleep, but they can also cause allergies to flare up. To help keep your allergy symptoms under control, consider picking out a hotel pillow. That is specifically design to avoid causing allergic reactions.

The best hotel pillows for people with allergies are those that are making with hypoallergenic materials. This means that the pillow will not contain any of the ingredients that can trigger an allergic reaction. Some of the best hypoallergenic pillows include those from brands such as Sleepsia.

Some other factors to consider when selecting a hotel pillow are its size and shape. Make sure that the pillow is large enough to fit comfortably into your sleeping position. And try different positions until you find one that works best for you. Finally, make sure the shape of the pillow is comfortable and conforms to your head and neck in a way that is supportive.

Conclusion

There’s no doubt that a good night’s sleep is vital for keeping your body and mind healthy. But finding the right pillow can be difficult. In this article, we’ve reviewed some of the best hotel pillows and shown you which ones are perfect for your needs. Whether you need a soft pillow to help you fall asleep. Or an extra layer of support to keep you comfortable all night long, we’ve got you covered. So read on, find the perfect hotel pillow for you and prepare to get a good night’s sleep!

 
Read more...

from lareinedeselfes

EntreeLibre#3

Cette fois ci, c’est la dernière fois ! 😁 Cela me prend trop de temps et d’énergie pour trouver de l’argent(pour héberger, nourrir les bénévoles et faire le tirage papier des affiches et flyers). Cette année j’ai loupé la date pour faire une demande de subvention. C’est le problème quand on est en CDD, on n’a pas toutes les infos, selon le début de son contrat. Il va donc falloir que je fasse un appel au don. Si le projet vous intéresse, surveillez le lien qui se trouvera Bientôt dans l’image qui représentera un animal étrange que j’ai nommé Napellodon et que je mettrai sur mastodon et sur le site.

EntréeLibre est un événement qui se veut être accessible à des personnes désireuses, de comprendre ce qui se passe sur internet, de protéger un tant soit peu leurs données et de découvrir ce monde qui leur est imposé de plus en plus. Le public attendu n’est pas informaticien ni déjà convaincu. Le discours est adapté à des personnes qui n’a pas connaissance de ses sujets il se veut simple sans être simpliste. Les gens qui interviennent dans les ateliers et les conférences viennent toutes bénévolement, sur leur temps personnel.L’événement est gratuit afin que l’argent ne soit pas un frein . Celà étant dit, Voici la présentation

EntréeLibre#3 Le thème global est un questionnement : Internet, science-fiction ou réalité ? Quand internet envahit notre quotidien. Quand les histoires de science-fiction deviennent réalité. Le bien, le mal, où est la frontière ?

Partage, les Communs, fournisseur d’accès à internet associatif, logiciels et licences libres, associations n’utilisant que des logiciels libres Troubles de l’attention, sont les sujets abordés lors de cette édition qui se déroulera du 18 au 20 mai 2023 au Centre des Abeilles à Quimper.

Chaque journée a un nom en fonction du sujet des conférences ou des personnes qui interviennent. Quelle place pour nous sur internet ? Histoire de rencontres. Ça fait rêver les humains et puis danser les abeilles.

On pourra donc écouter, participer avec les conférences et découvrir, faire avec les ateliers. J’ai essayé de tout regrouper sur un site internet qui se trouve à cette adresse. https://entreelibre.quimpernet.xyz

 
Lire la suite...

from Quelques textes un peu trop longs pour mastodon

L'université et le changement climatique (texte écrit en juillet 2020, retouché fin août 2020, et plus depuis.)

En plein examen de la LPPR[^1] à l'Assemblée Nationale (merci aux collègues qui supportent le spectacle désolant de cette mascarade pour nous en faire des résumés déjà bien assez déprimants comme ça), le texte qui suit paraîtra peut-être un peu lunaire. Pourtant réfléchir au rôle et à l'avenir de l'université est parfaitement d'actualité au regard des déréglements climatiques et des bouleversements à venir.

Force est de constater que, en ce qui concerne les défis du changement climatique comme sur beaucoup d'autres aspects déjà évoqués par ailleurs, il est difficile d'imaginer une vision de l'université qui soit plus à côté de la plaque que la vision starifiée et précarisée promue par la LPPR. Réfléchir, comprendre et transmettre semble tout simplement devenu ringard.

Nous sommes nombreux, dans le monde universitaire, à être tiraillés en permanence entre deux idées apparemment contradictoires : d'une part le sentiment d'urgence climatique et l'idée que les mesures à prendre pour y faire face ne viennent pas assez vite dans nos environnements de travail, d'autre part le constat que notre métier est devenu complètement fou en s'accélérant au-delà du raisonnable. Nous passons beaucoup de notre temps à faire beaucoup de choses (mal) dans des délais intenables, et avec de moins en moins de moyens, surtout humains. Il s'ajoute à cela une dérive générale vers le management par “indicateurs”. Nous en arrivons parfois à un point caricatural où nous passons un temps considérable à imaginer comment sera mesuré l'impact de travaux pas encore commencés (et que nous savons à l'avance impossibles à réaliser correctement dans le temps imparti). Parmi les chercheurs et enseignants-chercheurs la démarche “slow-science” plait de plus en plus, conduisant à l'idée de sélectionner ce que nous pouvons encore espérer faire bien, avec les moyens à notre disposition, et pas plus. C'est difficile, mais l'alternative est d'y laisser notre santé ou de devenir cynique, ou les deux, et de toutes façons sans avoir pu exercer notre métier de réflexion.

De nombreuses universités dans le monde ont compris que l'urgence climatique devait figurer en bonne place dans leur stratégie, ne serait-ce que pour des questions d'image et d'attractivité vis-à-vis des étudiants. Elles déclarent l'état d'urgence climatique, se retirent de grands projets technologiques jugés inutiles ou néfastes, mettent en place des incitations à limiter les déplacements en avion, réalisent leur bilan de gaz à effet de serre, voire affichent des objectifs de neutralité carbone sur des périmètres variables et parfois avec des échéances aussi proches que 2030. Même si la notion de neutralité carbone n'a pas beaucoup de sens à l'échelle d'une organisation, c'est un signe que les universités commencent à prendre au sérieux les résultats des recherches qui sont faites en leur sein sur le climat.

Dans tous ces plans stratégiques il manque toutefois un objectif absolument essentiel : ralentir et réduire la voilure. Je suis convaincue qu'il est impossible d'atteindre la neutralité carbone, quels qu'en soient le périmètre et l'horizon temporel, sans remettre en cause profondément le fonctionnement actuel de l'université, et en particulier la course folle aux classements, aux financements, etc. L'objectif principal devrait être de ralentir, de faire moins mais mieux, de retrouver le temps de la réflexion, de faire les choses avant d'en inventer les instruments de mesure. Pour préparer l'université de 2030 il nous faut réfléchir à ce que nous voulons et pouvons conserver de notre fonctionnement actuel, tant il est évident que nous ne pourrons pas tout conserver. Il nous faut remettre en cause le globe-trottisme effréné, le pilotage à court terme, les objectifs même de la recherche parfois...

Toutes nos structures académiques sont prises dans ces courses folles dont il est très difficile de s'extraire. Si les objectifs stratégiques liés à l'urgence climatique continuent à s'inscrire dans le fonctionnement actuel des universités, en se coulant dans le moule des appels à projet avec dossiers de 20 pages, livrables à court terme et évaluation par indicateurs, si l'urgence climatique nous conduit à ajouter de nouvelles courses à celles dans lesquelles nous sommes déjà engagés collectivement, alors tout cela est voué à l'échec. Définir dans l'urgence des axes stratégiques liés à l'urgence climatique est en soi un symptôme que l'on ne s'attaque pas aux bons problèmes.

Pour résumer ce qui précède : il est urgent de ralentir, à l'université comme ailleurs. C'est une idée paradoxale. En termes d'urgences liées à notre environnement, nous sommes sans doute tous un peu déformés par l'imaginaire des films catastrophe. Quand l'urgence prend la forme d'une comète qui va percuter la terre dans deux ans, nous nous laissons prendre par le scénario qui montre tous les scientifiques du monde se mettant à travailler vingt heures par jour, en collaboration parfaite et immédiatement dans la bonne direction, pour trouver une solution technologique. Trois minutes avant l'impact la comète est détruite dans un grand feu d'artifice et le monde est sauvé. Cet imaginaire du chercheur qui en cas d'urgence se transforme en acteur à impact immédiat, qui ne se trompe jamais de direction, c'est très tentant, mais peu réaliste. Pour l'urgence environnementale ça ne va malheureusement pas se passer comme ça.

En tant qu'universitaire grenobloise, ayant repris ce texte dans la fournaise de mi-août, je ne peux m'empêcher de penser que lorsqu'il fera 50 degrés à Grenoble en été, il deviendra difficile de se passionner pour le classement de Shanghaï, et qu'avoir passé du temps à définir des indicateurs de verdissement nous paraîtra bien dérisoire. Cet été 2020 est aussi venu après deux mois de confinement total puis deux mois de retour partiel et difficile au rythme d'avant COVID. Les personnels sont épuisés, et cela seul devrait nous faire réfléchir aux illusions de continuité, pédagogique en particulier. Comment croire que nous pourrons maintenir l'activité actuelle des universités dans un environnement bouleversé, ou ne serait-ce que cette année 2020-2021 en cas de nouvelle vague de COVID ? La LPPR qui nous est imposée à marche forcée, en mode TINA, est un bon résumé de tout ce qu'il ne faut pas faire, pour l'université, mais également bien au-delà.

Nous rêvons d'une université qui se poserait en précurseur en proposant, sinon de freiner brutalement toute l'activité, du moins de ménager un espace pour les personnels qui veulent ralentir et réfléchir à ce que nous pouvons et voulons préserver de notre activité. Si la course folle du monde académique est telle que nos grandes universités pluri-disciplinaires construites au prix de tant d'efforts ne peuvent pas se permettre d'accueillir en leur sein la réflexion sur un autre monde possible, si même à l'université on ne peut pas se permettre de freiner la course et de retrouver le temps de la réflexion, alors où cela pourrait-il avoir lieu ?

[^1]: Loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur

 
Lire la suite...

from Nasra's games

Voici quelques astuces pour analyser son temps de démarrage avec systemd (présent dans beaucoup de distributions). Une autre méthode existe avec bootchart (je pourrai mettre à jour ce tuto).

Systemd

Systemd est arrivé depuis les années 2010 (2012 pour Arch, 2014-2015 pour les Debian/Ubuntu) pour la gestion du système et des services sur les distributions Linux. Il permet de voir ce qui prend du temps au démarrage par exemple. C'est très utile, pas seulement pour comparer sa qué... ses performances, mais aussi pour savoir si un service démarré sur votre distribution prend beaucoup de temps où ralenti votre système. Par exemple, si vous installez Apache, PHP ou MySQL, votre distribution va bien ralentir au démarrage car elle devra lancer ces éléments surtout présents et utiles sur des serveurs web (pas forcément votre besoin de gamer).

Analyser

Voici la commande : systemd-analyze

qui renvoie chez moi ça : nasra@pop-os:~$ systemd-analyze Startup finished in 9.360s (firmware) + 524ms (loader) + 4.469s (kernel) + 4.411s (userspace) = 18.765s graphical.target reached after 4.375s in userspace

Ok, là j'ai un découpage du temps entre les firmwares, le loader, le kernel (et ses différents modules), le temps utilisateur (les applications démarrées lors de l'ouverture de la session de mon DE) et le dernier temps celui qui m'annonce mon temps de boot avant d'avoir affiché mon interface graphique (celle de mon login). Ces temps là changent selon les DE, les modules installés ou non dans le kernel, les services démarrés lors du login.

Analysons plus finement

La commande suivante analyse tous les éléments du démarrage : systemd-analyze blame

qui renvoie cela chez moi : nasra@pop-os:~$ systemd-analyze blame 3.425s NetworkManager-wait-online.service 3.369s plymouth-quit-wait.service 2.542s fwupd-refresh.service 549ms apt-daily-upgrade.service 534ms apt-daily.service 463ms ua-timer.service 440ms man-db.service 419ms networkd-dispatcher.service 363ms accounts-daemon.service 289ms logrotate.service 274ms udisks2.service 252ms dev-sdc3.device 197ms systemd-cryptsetup@cryptswap.service 162ms dpkg-db-backup.service 158ms user@1000.service 151ms ModemManager.service 112ms upower.service 109ms boot-efi.mount

Ici j'ai un module NetworkManager-wait-online.service qui prend 3,425s à démarrer. Parfois ce module peut prendre plus de temps (dans une configuration réseau par exemple).

La commande systemd-analyze critical-chain

Permet de mieux identifier les services en question. Elle renvoie cela chez moi : nasra@pop-os:~$ systemd-analyze critical-chain The time when unit became active or started is printed after the "@" character. The time the unit took to start is printed after the "+" character. graphical.target @4.375s └─lactd.service @4.374s └─multi-user.target @4.373s └─plymouth-quit-wait.service @962ms +3.369s └─systemd-user-sessions.service @955ms +4ms └─network.target @944ms └─NetworkManager.service @839ms +101ms └─basic.target @838ms └─dbus-broker.service @816ms +20ms └─dbus.socket @805ms └─sysinit.target @803ms └─cryptsetup.target @760ms └─systemd-cryptsetup@cryptswap.service @563ms +197ms └─dev-disk-by\x2duuid-287ac1e1\x2def46\x2d4d0e\x2d9d7d\x2d6cb19af5b144.device @535ms

Exporter ses résultats

Petit bonus pour la route, vous pouvez exporter vos résultats en .svg 🙂 systemd-analyze plot > boot_analysis.svg

systemd boot analysis

 
Lire la suite...

from Nasra's games

PopOS est une distribution grand public. Elle permet à des personnes novices de pouvoir utiliser une distribution Linux simplement. Mais PopOS permet aussi à des utilisateurs avancés de l'utiliser pour beaucoup d'utilisations (création, gaming...). Si vous testez régulièrement PopOS ou des fonctions avancées d'une distribution Linux (kernel, mesa à jour...), vous aurez certainement besoin de ces fonctionnalités très utiles !

Partition de récupération avec systemd

La partition de récupération est une copie complète du disque d'installation PopOS. Il peut être utilisé exactement de la même manière que si une copie de disque en direct de PopOS a été démarrée à partir d'une clé USB. Le système d'exploitation existant peut être réparé ou réinstallé à partir du mode de récupération. Vous pouvez effectuer une installation d'actualisation, qui vous permet de réinstaller sans perdre de données ou de données utilisateur dans votre répertoire domestique. La récupération peut également effectuer une installation propre, qui réinitialise toutes les données du système d'exploitation.

Pour démarrer en mode de récupération, affichez le menu SystemD-Boot en maintenant la touche espace pendant que le système démarre, ou en maintenant / appuyant sur toutes les touches de fonction non utilisées pour accéder au menu BIOS / Boot.

Remarque : ces instructions supposent que PopOS est le seul système d'exploitation exécuté sur votre système. Si vous démarrez plus d'un système d'exploitation, vous devrez peut-être modifier d'abord votre commande de démarrage, ou sélectionner manuellement le disque PopOS dans votre menu BIOS / Boot.

Une fois le menu affiché, choisissez Pop! _Os Recovery.

Remarque : L'environnement de récupération PopOS ne verra pas votre mot de passe wifi enregistré. Une fois démarré dans l'environnement en direct, vous devrez vous reconnecter manuellement à votre wifi afin d'accéder à Internet.

Rafraîchir votre installation

L'option d'installation d'actualisation vous permet de réinstaller le système d'exploitation sans perdre les informations et les données du compte utilisateur dans le répertoire domestique.

Remarque : Les applications installées par l'utilisateur non stockées dans le dossier /home (par exemple .deb ou APT installées) devront être réinstallées. Les applications Flatpak, elles, ne nécessiteront pas de réinstallation (stockées dans le dossier /home/.var/ ).

Si votre disque est chiffré. L'option d'installation de rafraîchissement ne peut apparaître qu'après avoir déchiffré le disque. Un avis sur le déchiffrement du disque sera présent au-dessus des options d'installation.

 
Lire la suite...